LES CHOIX DE LA MATINALE

« Les Bienheureux », film algérien de Sofia Djama. / BAC FILMS

Pour ceux qui n’iront pas voir Star Wars (quoique ce ne soit pas exclusif), nous recommandons une étonnante comédie musicale portugaise et deux films qui fouillent avec force et courage les blessures de l’histoire.

UN NOUVEAU TOUR DE LA FORCE : « Star Wars : les Derniers Jedi », de Rian Johnson

STAR WARS LES DERNIERS JEDI Bande Annonce (2017)
Durée : 02:21

L’épisode VIII de la saga « Starwars », inaugurée en 1977 par George Lucas, ou plus précisément le deuxième volet d’une troisième trilogie mise en chantier en 2012, lors du rachat des droits de la franchise par la compagnie Disney, sort en salles ce mercredi 13 décembre. Son premier épisode, mis en scène par J. J. Abrams sous l’intitulé Le Réveil de la force, est sorti en 2015, avec un succès jamais égalé dans l’histoire de la série (plus de 2 milliards de dollars de recettes).

Rian Johnson, cinéaste prometteur, prend la suite sous les mêmes auspices que son prédécesseur : rajeunissement des effectifs, retour aux origines de la force, représentation des minorités mise à l’ordre du jour, passage de témoin pour une relance de la saga. Il signe ce faisant un film plaisant mais sans génie particulier, ressuscitant la trame et le charme du volet originel de la saga (volume IV), mais qui n’augure pour la suite d’aucun changement significatif, sinon celui des générations, dans la routine d’une franchise qui subordonne désormais l’aventure esthétique au cahier des charges du succès. Jacques Mandelbaum

« Star Wars : les Derniers Jedi », film américain de Rian Johnson. Avec Carrie Fisher, Daisy Ridley, Mark Hamill, Adam Driver, Oscar Isaac (2 h 32).

UNE FEMME AVEUGLÉE PAR L’HISTOIRE : « Mariana », de Marcela Said

MARIANA Bande Annonce (2017)
Durée : 02:03

Lorsque l’on rencontre Mariana (Antonia Zegers), on est bien en peine de lui trouver quelque qualité que ce soit. A peine quadragénaire, elle vit sa vie d’héritière – la première séquence la montre à la porte du conseil d’administration de l’entreprise familiale que préside son père – dans les quartiers résidentiels de Santiago du Chili, profitant des avantages sans en assumer les responsabilités.

Le propriétaire du manège où elle monte (Alfredo Castro) est un élégant sexagénaire, autoritaire, qu’on appelle colonel. Mariana s’entiche de lui, jusqu’à l’inviter à l’improviste à une fête de famille, où elle s’aperçoit que son père connaît bien le colonel.

Bientôt l’élève apprend que son maître fait l’objet d’une procédure judiciaire pour des crimes perpétrés dans la police politique, au temps du général Pinochet. La réalisatrice Marcela Said, pour son premier long-métrage, fait le pari audacieux de maintenir Mariana dans l’aveuglement… Thomas Sotinel

« Mariana », film chilien de Marcela Said. Avec Antonia Zegers, Alfredo Castro, Rafael Spregelburd (1 h 34).

MISE AU JOUR D’UN PROTOTYPE PORTUGAIS : « L’Usine de rien », de Pedro Pinho

L'USINE DE RIEN Bande Annonce (2017) Comédie Musicale
Durée : 01:47

Ce film s’inscrit dans une longue série de prototypes inclassables auxquels le cinéma d’auteur portugais, sans doute le plus inventif d’Europe, donne régulièrement naissance. Issu d’un processus de gestation long de six ans, le projet fut d’abord envisagé comme l’adaptation d’une comédie musicale pour enfants. Puis, il fut réinvesti par le collectif Terratreme, réunion de jeunes producteurs et réalisateurs portugais autour de projets sur mesure, pour aboutir à cette vaste fresque de presque trois heures sur une classe ouvrière confrontée au désintérêt du capital et désormais contrainte de s’inventer un nouveau destin.

Le film, tourné dans le décor d’une usine qui connut elle-même une expérience d’autogestion à l’issue de la révolution, avec un casting en partie composé de véritables ouvriers, se gonfle de toutes ces dimensions qui font de l’indépendance une aventure empirique, par nature incertaine, imprévisible. Mathieu Macheret

« L’Usine de rien », film collectif portugais réalisé par Pedro Pinho. Avec José Smith Vargas, Carla Galvao, Njamy Uolo Sebastiao, Joachim Bichana Martins, Daniele Incalcaterra (2 h 57).

UN BILAN ALGÉRIEN DES ANNÉES DE TERREUR : « Les Bienheureux », de Sofia Djama

LES BIENHEUREUX Bande annonce (2017) Film Français
Durée : 01:51

Premier long-métrage de Sofia Djama, Les Bienheureux fouille avec courage et détermination dans les blessures du passé, comme l’ont fait les films des confrères argentins ou chiliens quand le cinéma de leurs pays a réapparu à la sortie des dictatures.

La réalisatrice a circonscrit le champ de son exploration à la ville d’Alger, faite de réalités qui coexistent en s’ignorant, dont les habitants ne se croisent qu’au hasard des soubresauts de l’histoire. On est en 2008, vingt ans après le début du processus qui aboutit à la guerre civile. Le scénario de Sofia Djama met en mouvement un couple d’adultes, Samir (Sami Bouajila) et Amal (Nadia Kaci), et un groupe de jeunes gens à la fois unis et divisés par leur expérience des années de terreur. De chacune de ces quêtes, Sofia Djama fait une urgence, l’expression d’inquiétudes, d’espérances et de révoltes qui dépassent les personnages. T. S.

« Les Bienheureux », film algérien de Sofia Djama. Avec Nadia Kaci, Sami Bouajila, Amine Lansari, Lyna Khoudri, Adam Bessa (1 h 42).