La présidente de la Fed, Janet Yellen, à Washington, le 13 décembre. / Carolyn Kaster / AP

Ses amis l’appellent « la petite dame au grand QI ». Mercredi 13 décembre, la présidente de la Réserve fédérale (Fed), Janet Yellen, a tenu son ultime conférence de presse. Les derniers mots de celle qui sera remplacée en février 2018 par Jerome Powell, nommé par Donald Trump, ont été suivis avec une attention particulière par les observateurs. Et pour certains, avec émotion.

La principale annonce était largement attendue : l’institution a relevé ses taux directeurs d’un quart de point. Ils évoluent désormais dans la fourchette de 1,25 % à 1,50 %. Il s’agit de la troisième hausse opérée cette année, et de la cinquième depuis le début du resserrement monétaire, commencé en décembre 2015.

La Banque centrale est optimiste à propos de l’économie américaine. Les derniers indicateurs lui donnent raison : au troisième trimestre, la croissance a atteint les 3 % en rythme annualisé. « L’activité économique a connu un rythme d’expansion soutenu, les créations d’emploi ont été solides », a détaillé la Fed dans son communiqué. Janet Yellen, elle, a souligné que le pays était « proche » du plein-emploi. A 4,1 %, le taux de chômage est au plus bas depuis dix-sept ans.

De quoi convaincre l’institution de réviser ses prévisions à la hausse. Elle table désormais sur une croissance de 2,5 % en 2018, contre 2,1 % estimés précédemment, avec un taux de chômage tombant à 3,9 %. Ses membres ont pris en compte l’incidence sur l’activité du cocktail de baisses massives d’impôts, en passe d’être adopté. Celui-ci gonflera un peu la croissance l’an prochain.

Mais les gouverneurs de la Fed semblent douter que ses effets s’étendent au-delà. Selon eux, la croissance devrait en effet ralentir à 2,1 % en 2019, et à 2 % en 2020, loin des 3 % annoncés par le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. « Ils n’adhèrent pas à l’argument républicain selon lequel les baisses d’impôts seront autofinancées par un rebond de la croissance », résume Paul Ashworth, de chez Capital Economics.

Mais généreront-elles de l’inflation ? Pas beaucoup, estime pour l’heure la banque centrale. En novembre, l’indice des prix à la ­consommation n’a progressé que de 0,4 %, et il ne devrait pas atteindre la cible de 2 % avant 2019. « La Fed n’a pas relevé ses prévisions en la matière : c’est une surprise », note M. Ashworth.

« Capitulation sur le retour à la normale de l’inflation »  

De même, elle prévoit toujours trois nouvelles hausses des taux en 2018, comme en septembre. Et cela divise les économistes. « Les baisses d’impôts pourraient tout de même générer un peu d’inflation et la ­contraindre à accélérer le resser­rement monétaire », juge M. Ashworth. Et pour cause : dans un pays flirtant avec le plein-emploi, tout regain d’activité, même limité, est susceptible de créer une surchauffe de l’appareil productif et de faire grimper les prix.

« Cette frilosité de la Fed soulève des questions. Difficile de dire s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle, estime pour sa part Véronique Riches-Flores, économiste indépendante. Cela ressemble à une capitulation sur le retour à la normale de l’inflation. » Beaucoup de ses confrères redoutent qu’un relèvement trop lent des taux nourrisse des bulles sur les marchés, déjà au plus haut.

Mais pour Janet Yellen, le véritable risque se situe ailleurs. Lors de sa conférence de presse, elle s’est inquiétée du niveau élevé de la dette publique. De fait, celle-ci va encore se creuser avec les baisses d’impôts, synonymes de moindres recettes fiscales. « C’est un problème qui devrait empêcher les gens de dormir », avait-elle déclaré, le 29 novembre, devant le Congrès.

A 71 ans, Mme Yellen présidera la réunion des 30-31 janvier 2018, sans conférence de presse. Son successeur, Jerome Powell, qui doit être confirmé par le Sénat, prendra la parole lors de la réunion suivante, les 20-21 mars. La Fed n’aura alors plus grand-chose à voir avec celle d’aujourd’hui.

Donald Trump a déjà nommé le financier Randal Quarles et l’universitaire Marvin Goodfriend au conseil des gouverneurs, qui compte sept sièges. Et dont trois sièges sont encore vacants. Jamais un président des Etats-Unis n’aura eu les coudées aussi franches pour remodeler l’institution financière la plus puissante de la planète.