A Notre-Dame-des-Landes, en 2016. / LOIC VENANCE / AFP

Le rapport se garde de trancher entre l’agrandissement de Nantes-Atlantique et le transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des Landes, mais pointe les désavantages du deuxième scénario. Le gouvernement rendra publique sa décision fin janvier.

Hello : Que peut faire Macron maintenant ?

Rémi Barroux : Il a deux options. Faire quand même Notre-Dame-des-Landes et prendre les risques d’une rupture avec Nicolas Hulot et d’un grand mouvement de solidarité en France et d’affrontements durs. Ou choisir le réaménagement de Nantes-Atlantique et subir les critiques de la droite et du PS, qui l’accuseront de ne pas respecter la “démocratie” du scrutin local. Il devra de toute façon régler le problème de la ZAD.

Pour ou contre : Comment le rapport a-t-il tranché ?

Rémi Barroux : Il n’a pas tranché. Il a gardé deux scénarios ouverts : la construction à Notre-Dame-des-Landes et le réaménagement de l’actuel aéroport, Nantes-Atlantique. Mais il donne plus d’arguments en faveur de la deuxième option et, surtout, reconnaît la pertinence de nombre d’arguments avancés par les opposants au transfert de l’aéroport.

Couic : On lit ici et là que les riverains en ont assez des zadistes. Est-ce une véritable opinion largement répandue, ou une énième intox ? Pourquoi ?

Rémi Barroux : Les riverains, qui ont voté très majoritairement contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (entre 60 % et 70 % dans les villages proches du site prévu pour accueillir l’aéroport), en ont surtout assez de l’indécision. Ils veulent que les choses rentrent dans l’ordre, que les zadistes partent, c’est vrai, pour une partie des habitants, ou qu’ils rentrent dans un processus de légalisation de leur présence.

Max : Comment le gouvernement pourrait justifier de ne pas donner suite au référendum ?

Rémi Barroux : Emmanuel Macron a donné des éléments de réponse dans son interview au Monde du 13 décembre. Il considère que toutes les informations n’avaient pas été données à l’occasion de ce scrutin. “On prend toujours les meilleures décisions en acceptant le débat démocratique, mais instruit et informé de manière indépendante”, a-t-il déclaré. Donc le scrutin n’était pas honnête, d’autant que la seule question portait sur le transfert de l’aéroport, excluant l’hypothèse d’un réaménagement de Nantes-Atlantique.

MarieVannes : Le coût estimé pour la construction tient-il compte des infrastructures ferroviaires et routières ?

Rémi Barroux : Dans le rapport des médiateurs, le coût intègre les frais estimés pour la construction des liaisons desservant l’aéroport. Il ne prend pas en compte, par contre, les éventuelles indemnisations qui devront être versées au concessionnaire (Vinci) et ceux liés à l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer la ZAD.

Nazairien : Pourquoi le rapport ne tient-il pas compte du remboursement de Vinci en cas de renoncement à Notre-Dame-des-Landes, alors que ce montant peut très facilement être quantifié ? Pourquoi la pollution actuelle due à la position géographique de Nantes-Atlantique (bouchons sur le périphérique nantais) n’est pas non plus quantifiée ? Pourquoi ce travail dit d’« experts » n’en est-il donc pas un ?

Rémi Barroux : La somme que l’Etat devrait verser éventuellement à Vinci n’est pas fixée. Elle dépend de nombreux paramètres (négociations parallèles sur des concessions qui doivent être redonnées sur d’autres aéroports, Vinci gère déjà Nantes, Rennes et Saint-Nazaire…). Mais un des médiateurs a rappelé que cette somme pourrait être comprise entre 0 et 350 millions d’euros. Il n’est pas fait état aussi des sommes qui devraient être déboursées par Vinci dans le cas de la construction de Notre-Dame-des-Landes pour sécuriser et protéger le chantier durant de longs mois, voire des années.

La question des bouchons sur le périphérique est complexe. Si l’aéroport part au nord de la Loire, la saturation du pont de Cheviré sera totale. Bruno Retailleau, qui était président de région Pays de la Loire, jusqu’à récemment, était plutôt réservé sur le déménagement de Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes, quand il était président du conseil départemental de Vendée, au sud de la région. Il réclamait alors comme condition la construction d’un deuxième pont.

Juriste vert : Pourquoi la consultation locale de juin 2016 est-elle constamment remise sur la table par les pro-aéroport et le gouvernement, alors même que sa légitimité est contestable juridiquement ?

Rémi Barroux : C’est le piège dans lequel s’est enfermé François Hollande, alors président de la République, quand il a proposé ce scrutin. Au sein du Parti socialiste et chez les conseillers de l’Elysée, certains espéraient perdre le scrutin, et ainsi, trouver les voies de l’abandon du projet. Les pro-aéroport ont gagné par 56 % des voix et ne manquent pas de rappeler ce résultat. Le nier serait faire preuve de non-respect de la démocratie.

Par ailleurs, les opposants n’ont pas contesté le résultat juridiquement. Ils avaient déposé un recours contre le décret autorisant une consultation locale sur un sujet plus global.

François : Peut-on faire un rapprochement entre la COP21 et le positionnement de la France comme leader de la lutte contre le changement climatique (qui n’a pourtant pas découlé sur un abandon du projet) et le positionnement d’Emmanuel Macron avec son « Make Our Planet Great Again » ?

Rémi Barroux : Oui, nombreux sont ceux qui font ce rapprochement. Les médiateurs eux-mêmes évoquent les possibles mutations dans les mobilités du futur, un temps où l’avion ne sera peut-être plus le modèle absolu du développement. Mais s’agissant des émissions de CO2, quel que soit le scénario retenu, le nombre de mouvements d’avions est estimé à 80 000 (pour 9 millions de passagers) en 2040, que ce soit à Notre-Dame-des-Landes ou à Nantes-Atlantique.

Mac : Suite au Grenelle de l’environnement, Notre-Dame-des-Landes n’était légal que parce qu’il n’y avait d’alternative possible. Aujourd’hui, il y en a une. Est-il encore légal ?

Rémi Barroux : La légalité du projet n’est pas en jeu, puisqu’il est couvert par la déclaration d’utilité publique. Des recours contre les arrêtés préfectoraux « loi sur l’eau » et « espèces protégées », doivent encore être examinés par le Conseil d’Etat. Mais, d’un point de vue plus politique, voire éthique, la possibilité avérée d’une alternative change évidemment la donne.

Citoyen : A votre avis, la restauration de l’autorité de l’Etat ne passe-t-elle pas par une évacuation préalable de la ZAD avant toute annonce de décision, quelle qu’elle soit, l’Etat ayant désormais le choix ?

Rémi Barroux : L’évacuation de la ZAD est l’élément qui a toujours retenu les gouvernements précédents, après l’expérience calamiteuse de l’opération César à l’automne 2012. Le traumatisme lié à la mort de Rémi Fraisse à Sivens en octobre 2014 reste vif, et l’Elysée comme Matignon, ou encore le ministère de l’intérieur, ne veulent prendre aucun risque.

Si le projet de Notre-Dame-des-Landes est abandonné, le pouvoir peut espérer que le mouvement de solidarité avec les zadistes sera moins fort, la raison de leur occupation ayant disparu. Il a donc intérêt à attendre d’avoir indiqué son choix.

Dans tous les cas, cette évacuation restera une opération délicate.

Perplexe : « Les médiateurs proposent une réallocation des terres agricoles conduite par l’Etat »… Mais ces terrains ne sont-ils pas propriété du département Loire-Atlantique ?

Rémi Barroux : Ils sont pour la plupart propriété de l’Etat et en partie, il est vrai, du département de Loire-Atlantique. Les opposants espèrent qu’ils pourront trouver un montage légal afin que les agriculteurs (anciens ou nouveaux) puissent exploiter les terres. A l’heure actuelle, certains d’entre eux qui n’ont pas voulu partir exploitent des terres avec l’accord de Vinci.

Léon : Ce rapport est-il vraiment sérieux ? Les chiffrages du coût carbone sont faits comme si tous les habitants de Loire-Atlantique résidaient au centre de Nantes, le chiffrage du réaménagement de Nantes-Atlantique (hors piste) en format low cost n’est basé sur aucune étude, le chiffrage du coût n’est qu’une estimation alors que celui de Notre-Dame-des-Landes repose sur un contrat…

Rémi Barroux : Les médiateurs ont, je pense, travaillé sérieusement, prenant en compte toutes les études disponibles, qu’elles soient jugées favorables ou non au projet d’aéroport à NDDL. Ou commandant de nouvelles expertises. Par ailleurs, il s’avère qu’une partie des données fournies historiquement par les porteurs du projet, comme de la direction générale de l’aviation civile, étaient, elles, erronées, ou non réactualisées. Les scénarios envisagés par les médiateurs le sont sur la base de ces travaux et la DGAC a corrigé ses propres données.

Mais il reste des compléments d’information qui devront être fournis. Notamment dans le cas d’un réaménagement de l’actuel aéroport.

Mika : Avec la solution de l’agrandissement de l’aéroport, le rapport aborde-t-il l’impact en termes de bruit et dépollution sur Nantes ?

Rémi Barroux : Il le fait très sérieusement, prenant en compte des paramètres comme les angles de descente des avions sur Nantes-Atlantique, la modification des trajectoires d’approche ou encore les évolutions technologiques permettant de nouveaux guidages de ces avions. De même, l’arrivée de nouveaux avions, moins bruyants, moins polluants et transportant plus de passagers a aussi été intégrée.

Pontmercy : Connaît-on l’impact de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la réserve naturelle du lac de Grandlieu ?

Rémi Barroux : Selon les médiateurs, qui s’appuient sur le jugement du Muséum d’histoire naturelle, la référence s’agissant des zones Natura 2000 comme la réserve du lac de Grandlieu, il n’y aurait aucun impact négatif sur cette réserve. Ils avancent même l’argument qu’en libérant du terrain, si l’aéroport déménageait, il y aurait une urbanisation et une artificialisation possible de sols qui serait préjudiciable à la biodiversité présente.

Momo : Si le choix de Notre-Dame-des-Landes est adopté, le site de Nantes-Atlantique sera-t-il démantelé au profit de l’aménagement de la zone de développement de l’habitat périurbain ?

Rémi Barroux : C’est en effet le souhait des autorités locales (ville de Nantes, agglomération…). Le démantèlement du site pourrait n’être que partiel. Jusqu’à récemment, la société Airbus, qui utilise la piste de Nantes Atlantique, avait demandé le maintien d’une activité minimum sur cette piste. Mais d’autres scénarios sont à l’étude pour le transport des pièces d’Airbus.

Craig : Qu’est devenu dans ce dossier l’argument, un temps avancé, de donner au projet de Notre-Dame-des-Landes un rôle de « hub » de dimension nationale, voire européenne, pour les vols transatlantiques, et éviter ainsi l’encombrement aérien du ciel européen dans le triangle Londres-Paris-Bruxelles/Amsterdam ?

Rémi Barroux : C’était l’idée originelle du projet de Notre-Dame-des-Landes. Mais les médiateurs indiquent que “l’évolution du trafic aérien depuis le milieu des années 2000 a fortement changé le paysage dans lequel inscrire le besoin aéroportuaire du Grand Ouest”. Ils précisent que la dynamique des hubs et des vols long-courriers par gros-porteur se concentrerait plutôt sur quelques aéroports à dimension européenne, tels Londres, Paris, Amsterdam, Francfort et Madrid.

Ninon : L’un des médiateurs est, je crois, pilote de ligne. Le rapport infirme-t-il ou confirme-t-il le lien entre les mises en place de vols long-courriers et l’infrastructure ? En d’autres termes, considère-t-il qu’il faille un nouvel aéroport pour voir apparaître des vols long-courriers ?

Rémi Barroux : Gérard Feldzer, puisqu’il s’agit de lui, ne répond pas précisément à cette question. Mais les éléments livrés dans ce rapport n’indiquent pas une corrélation directe entre ces vols long-courriers et la nécessité de construire Notre-Dame-des-Landes. Un allongement de la piste existante à Nantes-Atlantique suffirait à accueillir les avions de ces vols long-courriers.

Par ailleurs, le rapport précise que l’apparition et le développement des compagnies à bas coût a libéré une demande nouvelle pour des vols court et moyen-courriers, « point à point », c’est-à-dire desservant de nombreuses villes européennes et du pourtour méditerranéen.

Pierlafte : Comment l’aéroport de Nantes-Atlantique peut être réaménagé, et donc laisser des milliers de personnes dans une zone de bruit, tout en respectant la directive européenne ? N’y a -t-il pas ici une contradiction ? Quid du CHU qui doit s’implanter sur l’île de Nantes, et aussi, en général de l’aménagement de ce nouveau quartier ? Enfin, la médiation préconise l’isolation des établissements scolaires dans la zone survolée par les avions. Ils n’auront plus de récréations ? Qui paiera ces aménagements ? Ont-ils été chiffrés ? Où installer le collège de Bouguenais, situé au pied des pistes de l’aéroport ?

Rémi Barroux : Ces questions ne trouvent pas de réponses précises dans le rapport. Les préconisations des médiateurs pour réduire les nuisances sonores sont réelles, sur les vols de nuit, l’isolation sonore, etc. Mais, le fait nouveau, validé par la DGAC, est que même en cas de réaménagement de l’aéroport actuel, avec allongement de la piste, les nuisances sonores ne seraient pas plus importantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Et le nombre de personnes touchées ne serait pas plus important non plus. Il n’y aurait pas non plus d’impact sur les possibilités de construire autour de l’aéroport. Les zones inconstructibles ou de délaissement n’augmenteraient pas.

Mais cela ne veut pas dire, même si les avions sont moins bruyants et que l’on peut réduire les nuisances en modifiant les trajectoires ou les courbes de descente, que le bruit ne reste pas un problème pour les résidents dans le voisinage de l’aéroport. Cela reste le problème n°1 de la solution Nantes-Atlantique.

Benjamin : En cas d’abandon du projet d’aéroport, n’y a-t-il pas un risque que les militants professionnels qui occupent les lieux actuellement se retrouvent désœuvrés, et déménagent, tous ensemble vers la prochaine ZAD, par exemple Bure ? Le gouvernement n’est-il pas voué, de toute façon, à devoir gérer ad vitam aeternam un foyer de contestation quelque part en France ?

Rémi Barroux : Ces projets d’infrastructure, aéroport, ligne TGV, chantiers nucléaires ou barrage, sont souvent contestés. La question de leur utilité sociale est toujours posée et l’Etat comme les porteurs de projets doivent faire acte de pédagogie et de persuasion pour les faire passer. On a rarement vu de ZAD contre un projet d’hôpital ou de lycée, qui consomment pourtant aussi, parfois, des terres agricoles. Il s’agit donc bien, pour ce gouvernement, comme pour les précédents, d’un problème de démocratie environnementale à faire évoluer et rendre plus efficiente.