L’équipe des « Observateurs » basée à Paris est en charge de la vérification des informations. / France 24

On les appelle les « obs » pour « observateurs ». Ils sont 5 000 contributeurs actifs à travers le monde. Leur rôle ? Relater eux-mêmes, à l’aide de photos et de vidéos, ce qu’il se passe dans leur pays. Depuis son lancement en 2007, près de 100 000 personnes (étudiants, blogueurs ou agriculteurs) se sont inscrites sur le site de France 24 pour alimenter le programme phare de la chaîne animé, chaque samedi, en français, par Alexandre Capron.

Ce journalisme participatif est né de la rencontre entre Julien Pain, désormais journaliste à Franceinfo, et Derek Thomson, actuel rédacteur en chef des « Observateurs ». Celui-ci confie : « c’était difficile, il y a dix ans, de trouver des images amateurs à diffuser. Aujourd’hui, avec la prolifération des réseaux sociaux, il est impossible de passer outre. » De son côté, Marie-Christine Saragosse, directrice de France Médias Monde, se félicite : « le lancement des Observateurs est le fruit d’un instinct très fort. En créant cette émission, nous avons fait entrer France Médias Monde de plain-pied dans son époque. »

L’équipe des « Observateurs » avec, au premier plan, Mohammed Al Saeedi, et au centre, Derek Thomson, rédacteur en chef. / France 24

Une époque où, en 2007, l’utilisation de contenus non journalistiques par un média avait suscité quelques interrogations. Mais c’était sans compter sur le travail de vérification de l’équipe des « Observateurs » basée à Paris. C’est ici, dans la maison mère de France 24, que la centaine de photos et de vidéos envoyée chaque jour, est vérifiée par huit journalistes pour certains anglophones, arabophone et francophone. « Il est primordial de vérifier ce que l’on reçoit, car nos contributeurs sont de simples citoyens qui n’ont pas l’habitude de travailler avec des médias », explique Derek Thomson.

Parmi eux Mohammed Al Saeedi. Ce fermier saoudien est le plus prolifique des observateurs. Non rémunéré pour son travail, il explique pourquoi il le fait. « Je vis dans un pays difficile que les gens comprennent peu. Les Observateurs sont une chance pour moi de dénoncer ce qui se produit dans mon pays, mais pas seulement. J’aime montrer que les Saoudiens sont des êtres comme les autres » ajoute-t-il en souriant.

« il y a des sujets que les journalistes n’osent pas ou ne peuvent pas traiter » Fatoumata Chérif, observatrice

Dénoncer : c’est aussi ce qui a motivé Fatoumata Chérif. Cette blogueuse guinéenne, active depuis 2015, s’exclame avec véhémence, « il y a des sujets que les journalistes n’osent pas ou ne peuvent pas traiter. Quand on est observateur même si c’est parfois difficile, on a l’habitude. Puis cela nous force à faire bouger les lignes. »

Grâce à ses traductions en anglais, en arabe et en persan (cette dernière uniquement pour « Les Observateurs »), France 24 est très implantée en Afrique et au Moyen-Orient. Ce qui lui a permis d’attirer à elle tout naturellement ces bénévoles de l’information. Pour autant Derek Thomson tient à préciser : « on ne demande jamais rien aux observateurs. Ce sont eux qui décident. Et quand l’un d’eux nous dit qu’il veut aller sur le terrain, on refuse. On a des journalistes pour ça ! »

Quel bilan ?

L’évolution sur le terrain suite aux dénonciations des différents observateurs est difficilement quantifiable. Même si Charly Kasereka, « obs » en République Démocratique du Congo, se réjouit : « dans ma ville de Goma la situation des malades mentaux a changée à la suite d’une photo que j’ai envoyé en 2015. Ainsi, an a pu bénéficier d’ambulances pour déplacer les malades. »

Mais le bilan s’illustre surtout dans la manière dont « Les Observateurs » se sont imposés comme un média global de référence, tant sur la réactivité que la rapidité à vérifier l’information. Ainsi en décembre 2010, ils ont été les premiers à rapporter la manifestation de Sidi Bouzid (Tunisie), annonciatrice du printemps arabe. La même année, lors des émeutes en Côte d’Ivoire, ils se sont illustrés dans la vérification des nombreuses vidéos prisent sur place. Un travail qui continuera jusqu’en 2014, date de la création d’une rubrique dédiée, intitulée « Intox ».

Hebdo et mensuel

En 2009, deux ans après le lancement du site, France 24, lançaient une émission hebdomadaire le samedi matin, traduite en français, en anglais, en arabe, et désormais en espagnol. « C’est une émission tellement importante qu’il s’agit du premier programme auquel on a pensé lors de l’ouverture en septembre de France 24 en espagnol », se souvient Marc Saikali, directeur de la chaîne. Un magazine hebdomaire qui s’est doublé d’un autre, mensuel (« Les Observateurs – Ligne directe), créé en 2013 et diffusé le premier samedi du mois.

Pour célébrer une décennie d’informations et de vérifications, une émission spéciale le 6 janvier sera consacrée aux observateurs, en compagnie des contributeurs les plus fidèles.