En 2014, le Théâtre national de Strasbourg a lancé 1er Acte, un programme d’ateliers d’acteurs davantage orienté sur la « diversité ». / Edwin Lee/CC by/2.0

Prenons le parcours d’un étudiant en Ile-de-France qui souhaite entrer en école supérieure d’art. Pour faire une classe préparatoire, il devra débourser jusqu’à 8 000 euros. Bien sûr, il existe aussi des formations bien moins coûteuses et la prépa n’est pas obligatoire. Mais la pratique était si répandue qu’elle a conduit l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris à créer sa propre préparation, gratuite, pour diversifier son recrutement.

Vient ensuite l’étape des concours. Disséminés à travers la France, ils représentent un coût non négligeable d’inscription, de transport et de logement. Une fois en école, les étudiants paieront eux-mêmes une partie de la production de leurs œuvres « 1 500 euros en moyenne pour un diplôme à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes », affirme Pierre-Jean Galdin, son directeur.

« Sentiment d’illégitimité »

Des coûts à relativiser, selon Frédérique Joly, sociologue et directrice des études et de la recherche à l’Ecole supérieure d’art de ­Limoges. Elle insiste sur la possibilité pour les étudiants d’obtenir des bourses. Car elle constate que le recrutement dans les écoles supérieures d’art se fait surtout dans les catégories sociales moyennes et supérieures. Parmi les blocages des élèves les moins aisés, elle cite « la méconnaissance des débouchés », « le soutien ou pas des parents », qui peuvent considérer certains parcours risqués, et « l’autocensure » des élèves.

Parmi les blocages des élèves les moins aisés, elle cite « la méconnaissance des débouchés », « le soutien ou pas des parents », qui peuvent considérer certains parcours risqués, et « l’autocensure » des élèves.

C’est justement contre « ce sentiment d’illégitimité » que se bat Arnaud Meunier. Metteur en scène, il a mis en place une classe préparatoire sur cratères sociaux intégrée à l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne. Lancée en 2014, cette initiative a été suivie par d’autres projets comme 1er Acte, au Théâtre national de Strasbourg, un programme d’ateliers d’acteurs davantage orienté sur la « diversité ». L’Ecole supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine s’apprête, elle, à ouvrir une classe « égalité des chances » pour les habitants de la région.

Le réseau qui fait défaut

Dans d’autres disciplines, des programmes soutiennent collégiens et lycéens de réseaux d’éducation prioritaire souhaitant s’orienter vers les arts plastiques, le design ou le cinéma. Les élèves sont suivis financièrement, accompagnés lors de sorties culturelles ou de visites d’écoles d’art. Pendant leurs études, ils peuvent recevoir des cours complémentaires et du tutorat pour ne pas décrocher. Ces dispositifs apportent aussi le réseau qui fait tant défaut aux personnes issues d’un milieu modeste.

Car une fois le diplôme en poche, de nouveaux freins peuvent ralentir l’entrée dans la vie active. La présentation de 1er Acte, à Strasbourg, s’était révélée houleuse : des militants exhortaient les metteurs en scène à ne plus cantonner les « comédiens professionnels racisés » à des ­rôles stéréotypés, à leur ouvrir le ­répertoire classique, plutôt que de créer des écoles spécifiques.

En juin, « une vingtaine de ­comédiens non blancs » sortiront diplômés des écoles supérieures d’art dramatique, explique ­Arnaud Meunier, pour qui « ils ne pourront pas être ignorés des metteurs en scène ». selon l’homme de théâtre, l’enjeu artistique est de taille, car ces personnes sont « porteuses d’autres ­récits, d’autres histoires ».