Home est un film émouvant. Un film qui dit, depuis le constat de son échec sanglant, ce que fut la part d’imagination et d’espoir de la révolution syrienne à l’heure où un futur semblait possible, en ces premiers jours où le peuple inventait, sur un pied d’égalité avec les artistes, de nouvelles et merveilleuses formes de lutte. Home a été réalisé par Rafat Alzakout et tourne depuis dans de nombreux festivals à travers le monde sans trouver le chemin d’une diffusion plus large. Il mérite pourtant d’être vu et son histoire d’être éclairée.

Elle commence avec l’activisme de son auteur, acteur de formation, puis créateur anonyme, au moment de la révolution, d’un théâtre de marionnettes satirique du nom de Masasit Mati, diffusé via Internet à compter de novembre 2011. Clou de cette création, un feuilleton hebdomadaire fracassant et hilarant en trente épisodes intitulé Top Goon, Diaries of a Little Dictator (crétin en chef, journal d’un petit dictateur), qui tourne férocement en dérision le pouvoir et la personne de Bachar Al-Assad. Nous rendîmes compte en 2012 de cette singulière production, qui s’inscrivait dans un mouvement foisonnant de résistance spirituelle et artistique.

Deuil révolutionnaire

Sauvé de l’enfer et installé en Allemagne depuis 2015, le furieux marionnettiste redonne aujourd’hui signe de vie, rompt son anonymat et envoie en guise de faire-part de deuil révolutionnaire ce Home qui porte amèrement son nom, puisque tant l’auteur que ses personnages en sont, d’une manière ou d’une autre, exilés. Le film nous emmène dans la ville de Manbij où Rafat Alzakout avait rejoint en 2012 un groupe de jeunes gens qui avaient créé dans l’effervescence de la révolution un centre culturel baptisé « Home ».

Le film qui a repris ce nom, désormais douloureux, n’est pas à proprement parler une œuvre accomplie. C’est la trace d’une utopie, une guirlande de plans arrachés à l’oubli, qui nous montrent des corps de jeunes gens qui s’ébrouent à l’épreuve de la liberté, des gestes sortis de la nuit pour communier avec le grand jour, des paroles qui s’enivrent du pouvoir neuf d’être simplement proférées. Daech, qui prit la ville en 2014 avant d’en être chassé à l’été 2016, enterra ces espoirs et transforma ces vues en un linceul d’images rapiécées depuis l’exil, dont Home est désormais le nom.