Editorial du « Monde ». Lundi 18 décembre aura lieu la Journée internationale des migrants. En France, elle sera l’occasion pour 470 mouvements locaux et nationaux, comme le réclame Amnesty International, de « remettre au cœur des choix du gouvernement le respect des droits des migrants et des réfugiés, quel que soit leur statut, comme l’exigent les textes internationaux de protection des droits humains ».

Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait développé un discours à la fois humaniste et pragmatique. Se référant à ce qu’avait fait Angela Merkel, dans un premier temps, en Allemagne, il mettait en avant l’« honneur de la France à accueillir les réfugiés ». Une fois élu, le président de la République s’était engagé à ce que, à la fin de l’année, plus personne ne dorme « dans les rues, dans les bois ». Les paroles s’envolent. Restent les actes qui disent chaque jour le contraire.

Sur le terrain, c’est une politique migratoire très dure qui est en application. Dans une circulaire en date du 20 novembre, Gérard Collomb, le ministre de l’intérieur, affiche une volonté d’expulser massivement les déboutés du droit d’asile. A Calais (Pas-de-Calais), la police n’hésite pas, dans la froidure de l’hiver, à jeter les couvertures des 700 exilés et à détruire les abris de fortune.

« Petite révolution »

A Paris, les toiles de tentes des 800 migrants vivant dans les rues ont été lacérées. Le but est d’empêcher la reconstitution de campements. Chaque soir, de nouvelles familles se retrouvent enfermées dans des centres de rétention administrative. L’hébergement d’urgence, jusqu’ici géré par le ministère des affaires sociales, n’est plus à l’abri de ces assauts de fermeté. La création de « brigades mobiles » est instaurée, pour contrôler les personnes hébergées dans les hôtels sociaux, et donc « faire le tri ». Avec une telle politique, des personnes sorties de la rue risquent d’y être renvoyées.

L’expulsion prend le pas sur l’accueil, quitte à ternir l’image de la France. Le 1er novembre, devant la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, Emmanuel Macron avait justifié cette politique en parlant d’une « petite révolution ». Son principe était de donner le statut de réfugié « dès le pays d’origine » – ce qui conduit à des opérations de portée symbolique comme la réinstallation de réfugiés venus d’Afrique ou de Turquie – et en même temps d’« être intraitable avec celles et ceux qui ne relèvent pas du droit d’asile ». Il avait ainsi donné le feu vert à l’action de son ministre de l’intérieur pour qu’il accélère ses opérations afin de « pouvoir efficacement reconduire dans leur pays celles et ceux qui n’ont pas ces titres à l’issue de la procédure ».

A plusieurs reprises, M. Macron s’est référé à la fameuse phrase de Michel Rocard – « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » – souvent mise en avant, à droite comme à gauche. Le 6 juin 1989, l’ancien premier ministre avait déclaré devant l’Assemblée nationale : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles ». Quelques semaines plus tard, il avait répété ces propos : « La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique (…) mais pas plus ». Michel Rocard se situait donc sur le même registre de fermeté, mais il avait ajouté un codicille, en indiquant que la France devait « prendre sa part » en assumant « la responsabilité de la traiter le mieux possible ». Ce n’est pas l’image qu’elle donne aujourd’hui. Quand la brutalité semble l’emporter sur l’humanité, c’est aussi l’honneur de la France qui est en jeu.