Le président sud-africain et président sortant de l’ANC Jacob Zuma le 16 décembre à Johannesbourg, en Afrique du Sud. | SIPHIWE SIBEKO / REUTERS

Le très controversé président Jacob Zuma a donné, samedi 16 octobre, le coup d’envoi de la conférence élective qui doit désigner son successeur à la tête du Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud. Face aux délégués de son parti, plus divisés que jamais par des luttes intestines et une litanie de scandales de corruption, le président sortant a tenu à régler ses comptes, alors même que l’ANC joue sa survie.

« J’ai fait de mon mieux », s’est risqué Jacob Zuma, dans son ultime adresse en tant que chef de parti, aux plus de 5 000 délégués réunis à Johannesburg jusqu’à mercredi. L’expression de ses regrets n’ira pas plus loin. Confronté à l’érosion de son électorat et à la défiance générale, l’ANC est en mauvaise posture pour les prochaines élections de 2019. Deux camps irréconciliables doivent départager dans les prochains jours Nkosazana Dlamini-Zuma, l’ex-femme du président, et Cyril Ramaphosa, le vice-président, tous deux favoris d’une course très serrée pour succéder au président de 75 ans.

« Notre peuple est frustré lorsque nous perdons notre temps en luttes intestines plutôt que de résoudre les défis quotidiens auxquels il est confronté », s’est-il permis. Le président a dressé un état des lieux plutôt réaliste : « Le peuple n’est pas content de l’état du parti. La perception dans la société est que l’ANC est égoïste, arrogant, et trop conciliant vis-à-vis de la corruption », a t-il entonné.

Provocation

Alors qu’il termine un deuxième mandat plombé par les affaires, sa diatribe sur la corruption a été accueillie plutôt fraîchement par la salle. « Nous devons trouver un moyen de protéger l’ANC de la rapacité des entreprises et s’assurer que les décisions soient prises de manière informée et non dictées par les intérêts des milieux d’affaires », a t-il ajouté.

Une déclaration qui vire à la provocation : Jacob Zuma et son clan se retrouvent ces derniers mois au cœur d’un scandale retentissant portant sur l’emprise qu’exerce la richissime famille indienne Gupta. Choix de ministres, obtention de contrats publics, l’influence de ses hommes d’affaires sulfureux sur le sommet de l’Etat, révélés au grand jour par une série de fuites, monopolise l’actualité politique en Afrique du Sud.

Mais plutôt que d’assumer la responsabilité de son piètre bilan, tant à la tête du parti que du pays, le président a préféré s’en prendre à tous ceux qui ont dénoncé la corruption de son gouvernement, à commencer par l’alliance tripartite (parti communiste et syndicats) qui l’a porté au pouvoir. « Dans une manœuvre sans précédent, on a vu les partenaires de notre alliance défiler aux côtés de partis de droite et appeler à la démission du président de l’ANC », a t-il dit. Il a poursuivi en étrillant les vétérans de son parti, les juges, les médias, la société civile. « Il semble que certains ONG existent seulement pour combattre l’ANC », a t-il illustré.

Revanche indigne

Pour les commentateurs politiques présents sur place, cet ultime discours, « revanchard », n’était pas digne d’un président sortant. « Ses propos étaient à l’opposé de ce à quoi on aurait pu attendre, alors que le parti tente de sauver son unité », estime Mcebisi Ndletyana, professeur de science politique à l’Université de Johannesburg. « C’est un président qui préfère blâmer les autres, alors que c’est certainement le pire leader de l’histoire du parti. L’ANC a perdu 15 % de son électorat au cours de ses deux mandats », précise t-il.

Annoncée comme difficile et complexe, la conférence élective s’est ouverte avec six heures de retard sur le programme. Samedi soir, l’incertitude dominait alors que le parti n’est pas parvenu à valider la liste des délégués qui participeront au vote, un problème organisationnel qui cristallise les tensions depuis plusieurs jours. « Pour la première fois, je viens à un congrès de l’ANC en tremblant car on ne sait pas s’il va véritablement pouvoir commencer, et si oui, s’il va pouvoir se terminer », s’inquiète l’un des responsables, Tokyo Sexwale.