Le géant suisse du négoce de matières premières Glencore est de nouveau dans le viseur des ONG : mardi 19 décembre, Public Eye a déposé une dénonciation pénale auprès du ministère public de la Confédération helvétique, lui demandant d’ouvrir une procédure contre l’entreprise pour ses activités en République démocratique du Congo (RDC).

L’ONG suisse spécialisée dans la responsabilité sociale des entreprises accuse Glencore d’avoir obtenu des concessions minières à vil prix grâce à l’intervention d’un sulfureux homme d’affaires israélien auprès du pouvoir congolais. « Les indices de malversations entourant l’acquisition de mines sont suffisants pour que les autorités pénales ouvrent une enquête et se prononcent sur la légalité d’opérations dont la presse et les ONG dénoncent le caractère problématique depuis plus de cinq ans », affirme l’ONG.

Ce sont toutefois les révélations apportées par les « Paradise Papers », cette enquête sur les paradis fiscaux publiée en novembre par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde fait partie, qui permettent aujourd’hui à Public Eye d’aller devant la justice. « Les Paradise Papers ont montré que Glencore a mandaté l’homme d’affaires Dan Gertler pour négocier avec les autorités congolaises le rachat de la société minière Katanga Mining », détaille Marc Guéniat, le responsable des enquêtes de Public Eye.

« Début 2009, Glencore a concédé [à Dan Gertler] un prêt de 45 millions de dollars [environ 35 millions d’euros à l’époque] conditionné au succès de ses négociations, poursuit-il. Après son intervention, Katanga Mining a obtenu une réduction substantielle du pas-de-porte, une somme forfaitaire exigée au moment de l’octroi d’une concession minière, qui est passée de 585 à 140 millions de dollars. »

Manque à gagner pour l’Etat congolais

Le ticket d’entrée a donc été divisé par quatre par rapport aux sommes réclamées aux autres sociétés minières. Autant d’argent qui n’est pas allé dans les caisses de l’Etat congolais, observe Marc Guéniat, qui rappelle qu’en 2013 un rapport réalisé par l’Africa Progress Panel avait évalué à 1,36 milliard de dollars le manque à gagner pour le budget congolais des contrats miniers négociés avec Dan Gertler.

Public Eye attend de la justice helvétique qu’elle établisse que Glencore ne pouvait pas ignorer les méthodes de Dan Gertler, avec lequel le groupe était au demeurant associé au capital de Katanga Mining. Pour l’ONG, Glencore a donc « failli, en tant que société, à prévenir des comportements illicites », ce qui est condamnable au regard du droit suisse.

Contrairement à la France, où les actions de l’association Sherpa contre les biens mal acquis par les présidents africains ont ouvert la possibilité pour les ONG de se porter partie civile, les ONG suisses n’ont pas le droit de porter plainte directement. Il revient dont maintenant au parquet helvétique de dire, sur la base des éléments fournis par Public Eye, s’il juge recevable sa dénonciation. Ce serait alors la première fois que Glencore serait confronté à la justice pour ses activités en RDC.