C’est un symptôme de plus de la profonde crise que traverse l’hôpital public. La Fédération hospitalière de France (FHF) a annoncé, lundi 18 décembre, que les établissements publics allaient connaître en 2017 un déficit compris entre 1,2 et 1,5 milliard d’euros. Un montant jamais atteint, près de trois fois supérieur à celui de 2016, où il était de 470 millions d’euros.

« On demande aux hôpitaux l’impossible, estime Frédéric Valletoux, le président de la FHF, qui représente et défend les établissements. On leur demande de ne pas toucher à l’emploi et à l’offre de lits tout en réalisant toujours plus d’économies. » Résultat : « Cela craquelle de partout et on fragilise des établissements au cœur du système de santé », juge-t-il.

Le timing de cette prise de parole publique ne doit rien au hasard. D’ici quelques jours, le gouvernement devrait annoncer quelle somme il entend raboter sur les 250 millions qu’il doit encore verser aux hôpitaux au titre des missions d’intérêt général. En novembre, les pouvoirs publics n’avaient déjà restitué que 150 sur 412 millions d’euros de crédits gelés plus tôt dans l’année, un procédé habituel de limitation des dépenses.

Outre ces crédits amputés, plusieurs facteurs expliquent le déficit record cette année. Les hôpitaux ont d’une part dû commencer à payer les mesures de revalorisation salariale des fonctionnaires hospitaliers promises par le précédent gouvernement. Ils n’ont par ailleurs pas pu compter sur une croissance de leur activité, « atone » en 2017, alors même que les prix des actes ont été baissés pour tenir l’objectif de dépenses de l’Assurance-maladie.

Economies à marche forcée

Là où 1,1 milliard d’euros d’économies était demandé cette année aux hôpitaux, la FHF a calculé que l’effort exigé en 2018 serait de 1,6 milliard d’euros. Cette économie, qui devrait contribuer à l’objectif fixé par le premier ministre, Edouard Philippe, d’un retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale en 2020, est dénoncé par la FHF comme un « transfert de déficit de l’Assurance-maladie vers les hôpitaux ».

Ces économies à marche forcée ont enfin un coût humain pour les soignants qui font fonctionner l’hôpital au quotidien. « L’hôpital est en situation de burn out », affirme M. Valletoux. « On ne peut pas aujourd’hui imposer aux soignants dans les hôpitaux un rythme encore plus élevé d’activité », a concédé mardi 19 décembre sur Sud Radio la ministre de la santé, Agnès Buzyn, assurant qu’il n’était pas possible de « baisser les effectifs de soignants ». Sur l’hôpital, « nous sommes arrivés au bout d’un système », avait-elle déclaré à Libération le 11 décembre.

La tarification à l’activité, qui pousse les établissements à réaliser toujours plus d’actes, représente aujourd’hui 70 % des ressources financières d’un hôpital. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé à « plafonner à 50 % » ce mode de paiement. Mme Buzyn, qui a longtemps exercé à l’hôpital public et tient un discours très critique sur les « dérives » de « l’hôpital entreprise », a promis d’engager cette réforme « compliquée » mais « urgente » dès 2018.