Film sur France 4 à 22 h 50

Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé - Bande Annonce
Durée : 01:30

Qu’est-ce que vouloir ? » Ce n’est pas un hasard si cette question a valu à son fils un splendide 3/20 en philo. Armand (Denis Podalydès) est un garçon charmant, délicat. Le genre d’homme qui aimerait, s’il le pouvait, faire plaisir à tout le monde. Mais il a un gros défaut : il ne sait pas trancher.

Etre pharmacien, comme l’exige la raison, ou magicien, comme le lui dicte son âme ? Vivre avec sa femme ou avec sa maîtresse ? Pique-niquer à la campagne, ou récupérer le corps de sa grand-mère Berthe, décédée la veille dans sa maison de retraite ? Assister à son enterrement ou animer un goûter d’anniversaire ? Incapable de choisir, il fait tout et son contraire en même temps. Et il en paye le prix.

Denis Podalydès (Armand), Valérie Lemercier (Alix), Samir Guesmi (Haroun) et Bruno Podalydès (Yvon Grinda) dans « Adieu Berthe. L’Enterrement de mémé ». / © WHY NOT PRODUCTIONS/FRANCE 3 CINÉMA

Servi par un casting du tonnerre, mené tambour battant mais avec une finesse et une légèreté merveilleuses, un foisonnement de détails décoratifs, de gags désopilants qui surgissent un peu partout, Adieu Berthe est le film le plus enthousiasmant de son auteur. A partir de l’événement fondateur qu’est la mort de Berthe, il se déploie dans un tourbillon ludique et sentimental de plus en plus émouvant à mesure qu’on avance.

Comment se débat-on avec les contraintes du quotidien ? Et avec les contradictions de l’existence ? Ces questions ont toujours été les moteurs des films de Bruno Podalydès. Le scénario, coécrit avec son frère Denis, lui sert de support narratif tout autant que de boîte à outils pour sa mise en scène. Parmi ces outils, la magie, passion secrète et viscérale d’Armand, fait souffler un esprit fantastico-ludique de bout en bout.

Filiation secrète

Et puis il y a Berthe, que tout le monde avait oubliée. Petite grand-mère si gentille, tellement discrète que personne ne pensait plus à lui rendre visite. Berthe, dont il aura fallu qu’elle meure, comme le lui reproche son fils, pour qu’Armand s’intéresse à elle, et qu’il se retrouve acculé, avec sa maîtresse, Alix (Valérie Lemercier, parfaite en quadragénaire dingo), à passer une nuit dans sa maison de retraite et la chambre qui était la sienne.

Celle-ci est un petit temple, une caverne pleine de bibelots précieux, un vieux tourne-disque sur lequel passait Comme un p’tit coquelicot, la chanson de Mouloudji, une mystérieuse malle des Indes, et, au mur, deux posters : Le Roman d’un tricheur, de Sacha Guitry, et Monsieur Kiff le magicien. Une histoire se cache dans cette chambre, romanesque à n’en pas douter. La curiosité en alerte, Alix et Armand fouinent, cherchent les signes qui leur permettraient d’y accéder et tombent sur un paquet de lettres : la correspondance que la jeune Berthe avait entretenue, avant son mariage, avec le magicien de l’affiche, Monsieur Kiff.

Alix et Armand après leur découverte des lettres de Berthe dans « Adieu Berthe. L’Enterrement de mémé ». / © WHY NOT PRODUCTIONS/FRANCE 3 CINÉMA

La lecture leur prend la nuit. Ils se lisent les lettres à haute voix, exaltés, bouleversés par ce qu’ils découvrent. Haletant, comme l’esprit impatient des deux amants, le montage restitue leur lecture par bribes. Juste assez pour comprendre l’histoire, pour être saisi par la voix de Berthe surgie du passé, pour être chaviré par ces fragments d’amour qui flottent dans la nuit des temps.

Cette aventure renvoie aux jeux de piste qui fondaient Le Mystère de la chambre jaune (2003) ou Le Parfum de la dame en noir (2005). Mais quelque chose de plus intime, de plus secrètement douloureux, affleure, donne au film une charge émotionnelle inédite. Quelque chose qui a peut-être à voir avec la filiation secrète que se découvre Armand, qui lui permet, dans une pirouette, de répondre à cette question cruciale : « Qu’est-ce que vouloir ? »

Adieu Berthe. L’Enterrement de mémé, de Bruno et Denis Podalydès. Avec Denis Podalydès, Valérie Lemercier (Fr., 2012, 100 min).