La déléguée interministérielle chargée de l’aide aux victimes, Elisabeth Pelsez, au ministère de la justice, mardi 19 décembre 2017 / Pierre Bouvier pour Le Monde

Un attentat après l’autre, la France s’est constituée, malgré elle, « une mémoire du terrorisme ». « De cette expérience dramatique, nous avons acquis une recherche extraordinaire, qu’il est temps de mettre à profit », fait savoir Elisabeth Pelsez, la déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, qui annonce au Monde la création à l’automne 2018 d’un centre national de ressources et de résilience.

Cette structure, pensée par Françoise Rudetzki, la fondatrice de SOS Attentats, sera chargée de recenser et de diffuser les travaux de recherche portant notamment sur la prise en charge du stress post-traumatique. Les autres missions de ce centre seront de concevoir des formations pour toutes les personnes amenées à recevoir des victimes souffrant de stress post-traumatique. Mais aussi de « labelliser » un certain nombre de méthodes permettant de répondre à cette souffrance.

Après avoir navigué à vue face aux attaques qui ont porté à un niveau inégalé le nombre de victimes du terrorisme depuis 2015, la France entend désormais structurer son aide. Et élargir « aux victimes de catastrophes naturelles, d’accidents collectifs, de sinistres sériels et d’autres infractions pénales » les dispositifs mis en place à la suite des attentats, rapporte la déléguée interministérielle, rattachée au ministre de la justice. En ce sens, le premier ministre, Edouard Philippe, a signé le 10 novembre, le plan annuel du comité interministériel, visant à faciliter le parcours de soins des victimes, notamment d’attentats.

Juridiction spécialisée

Un plan que la magistrate, ancienne conseillère des ministres de la justice Pascal Clément et Rachida Dati, pourra incarner, vendredi 22 décembre, lors d’une rencontre auprès des familles de victimes de la collision entre un autocar scolaire et un train régional à Millas (Pyrénées-Orientales), qui a tué six enfants. L’occasion également d’appuyer la mise en place des comités locaux d’aide aux victimes, lancés en 2016 sous le nom de comités locaux de suivi des victimes après les attentats du 13-Novembre, et qui sont désormais « généralisés à toutes les victimes », avec la possibilité pour les départements de définir eux-mêmes leurs priorités – c’est déjà le cas à Paris, où l’accent a été mis sur les violences faites aux femmes et sur les abus de faiblesse à l’encontre des personnes âgées.

Cette instance, qui réunit autour d’une table le préfet, le procureur de la République et tous les partenaires institutionnels qui prennent en charge les victimes, comme Pôle emploi, les associations d’aide aux victimes et les assureurs de l’Etat, vise à « simplifier le parcours des victimes, notamment dans leurs démarches administratives ». Pour Life for Paris, qui a été consultée pour ce plan à l’instar de nombreuses autres associations de victimes, cette mesure répond « à la difficulté de s’y retrouver entre les différents dispositifs qui existent », notamment concernant les parcours d’indemnisation.

Sur ce point, Mme Pelsez défend la création d’une juridiction spécialisée dans l’indemnisation des victimes, qui permettra entre autres « d’instaurer une jurisprudence plus compréhensible ». Une mission a d’ores et déjà été confiée à une ancienne présidente de cour d’appel pour établir le périmètre de cette juridiction, dont l’objectif est surtout de « gagner énormément de temps dans le processus d’indemnisation ».

Les juges instructeurs, chargés d’une enquête pénale, ne seraient donc plus contraints d’examiner les demandes d’expertise médicale des parties civiles. Cette tâche serait confiée à une juridiction spécialisée dans la réparation du préjudice corporel. « Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme restera chargé de verser les indemnisations et devrait travailler en lien continu avec la juridiction », détaille Mme Pelsez, qui rappelle que cette idée a été suggérée par le président du tribunal de grande instance de Paris.

Coopération au sein de l’UE

La déléguée interministérielle souhaite enfin « développer une politique européenne de prise en charge des victimes », en renforçant dans un premier temps la coopération entre les pays de l’Union – « Aujourd’hui les gens voyagent ; les risques d’attentat sont partout. » Avant l’organisation d’assises européennes d’aide aux victimes, Mme Pelsez abordera ce thème lors d’une réunion à la Commission européenne, le 29 janvier 2018.

Autant de mesures qui s’inscrivent « dans la lignée de celles prises par [s]es prédécesseurs » et que la déléguée interministérielle a souhaité «  renforcer », « car deux ans après les attentats de nouvelles problématiques émergent, comme le besoin de reconversion ». Une problématique souvent soulevée par les associations, telle Life for Paris, qui salue « une prise en compte des difficultés des victimes », avant de s’interroger sur « les moyens qui seront véritablement mis en place ». Mme Pelsez assure que le ministère de la justice alloue un budget de 27,7 millions d’euros pour l’aide aux victimes, précisant que l’interministérialité permettra de financer des mesures par plusieurs ministères.