Le plasticien de 29 ans était à l’aise dans le monde des maths. Il a préféré celui des arts. / FLAVIEN PRIOREAU

Manières de dandy mélomane et physique de boxeur des années 1920, l’artiste Edgar Sarin semble appartenir à un autre temps. Le jeune homme de 29 ans vient plutôt d’un autre monde. Actuellement exposé à la galerie Michel Rein, à Paris, le plasticien s’était d’abord choisi un destin « sérieux », ou en tout cas loin du monde de l’art : maths sup, maths spé, école d’ingénieur à Grenoble. Sa spécialité ? Les techniques d’énergie renouvelable. Puis des pas de côté ont miné ce chemin tout tracé. Et ont fait du jeune ingénieur un plasticien original qui s’amuse autant avec ses œuvres qu’avec la façon dont elles circulent, lui qui voit son art comme un « crime parfait ».

Dans son travail, tout commence souvent par une intuition poétique formulée par écrit. C’est avec un long texte énigmatique, dactylographié sur papier rose, qu’il a conçu son exposition chez Michel Rein. « Etude de l’espace et de l’homme et de l’accident dans un environnement immédiat, de la passation de pouvoir entre un homme fatigué et un ensemble d’objets divers », peut-on lire en exergue. A quelques semaines du vernissage, il ignorait encore à quoi tout cela ressemblerait.

Zéro concession à l’immédiateté

Mais Edgar Sarin sait donner corps à ses idées. A ses débuts, son travail est imprécis, fait de bric et de broc. Dans son atelier de Belleville, le jeune homme commence à accrocher des objets banals au mur, histoire de leur conférer, dans la suite de Duchamp, un statut d’œuvre d’art. C’est dans cette veine qu’il conçoit la série « Concession à perpétuité », qui le fait remarquer. Sarin enferme une peinture dans un coffre. Il le scelle et l’emballe dans du papier kraft. Le collectionneur qui l’achète s’engage à ne déballer l’œuvre que le jour de la mort de l’artiste.

« Trinité de calice », 2016, une œuvre d’Edgar Sarin. / FLORIAN KLEINEFENN

Les objets, le jeune homme ne se contente pas de les emballer. Il les enfouit aussi. Au bois de Boulogne et dans bien d’autres lieux qu’il tient secrets. C’est que l’artiste est un rat de cimetière. Pour son exposition à la galerie Konrad Fischer, à Berlin, en mars, il a enterré pendant six mois treize coffres qu’il n’a exhumés que le jour du vernissage. Une fois l’événement terminé, tous ont été mis sous terre à nouveau, même quand ils ont été achetés. Ainsi, le collectionneur sait à quoi s’en tenir. Dans quelques années, il recevra par courrier un message lui indiquant la localisation de la pièce. « Le destinataire de l’œuvre doit faire un effort, confie l’artiste. Je veux qu’il fasse un chemin qui dépasse l’acte froid de signer un chèque. »

« Dans son cou la main d’une mère », par Edgar Sarin, galerie Michel Rein, 42, rue de Turenne, Paris 3e. Jusqu’au 3 février 2018. www.michelrein.com
« Ici : symphonie désolée d’un consortium antique », par Edgar Sarin, CCCOD, jardin François-Ier, Tours (37). Jusqu’au 4 février 2018. www.ccod.fr