Les fidèles d’Apple sont abasourdis. La marque à la pomme a confirmé ralentir ses anciens modèles d’iPhone lorsque leur batterie vieillit. Selon elle, l’objectif est d’empêcher ces iPhone de s’éteindre brutalement, notamment lorsqu’on lance une application gourmande.

La presse technologique américaine se réveille avec des interrogations gênantes sur son champion national. Faut-il lui adresser un blâme ? Apple aurait-il pu prévenir ce ratage ? Revue de presse des solutions qui auraient permis d’éviter cette crise.

Eviter l’erreur de départ

Le média The Verge souligne qu’Apple aurait pu anticiper le problème, comme le juge Gerbrand Ceder, professeur de sciences de matériaux à Berkeley : « Le degré de dégradation des batteries dans le temps (…) est assez prévisible et peu être testé très en avance. »

Cela suffit-il à accuser Apple d’une démarche délibérée d’obsolescence programmée ? Cela n’en constitue pas la preuve, mais on peut s’interroger sur l’importance que la marque accorde au maintien des performances des iPhone.

Apple mène-t-il les tests nécessaires sur des batteries âgées ? Prend-il suffisamment en compte les résultats de ces tests ? Se rend-il coupable de négligence ? Pour l’heure, il semble difficile d’accuser l’entreprise d’inciter délibérément au renouvellement de ses smartphones.

Notons au passage que les téléphones d’Apple emploient des batteries étonnamment petites. L’iPhone 8, par exemple, est équipé d’accumulateurs d’une capacité totale de 1 820 milliampères par heure (mAh), contre 2 350 mAh pour le Samsung A3, ou 2 700 mAh pour le Sony XZ1 compact, deux smartphones de taille équivalente. Les smartphones Apple gèrent donc l’énergie de manière particulièrement parcimonieuse. Apple en paye peut-être les conséquences.

Intervenir moins brutalement

Le magazine Wired n’hésite pas, lui, à qualifier la crise de « scandale ». Il souligne qu’Apple aurait pu se contenter de proposer ce pansement logiciel, plutôt que de l’imposer aux utilisateurs d’iPhone. Ceux-ci auraient pu choisir, au moment d’installer la dernière version du logiciel central de leur iPhone (iOS), entre accepter la baisse des performances de leur mobile, ou prendre le risque que leur smartphone s’éteigne inopinément.

Mais pour ce faire, Apple aurait dû commencer par avertir les consommateurs du problème. Or, Apple a choisi d’agir silencieusement, probablement pour éviter une tempête médiatique. C’était sans compter sur la vigilance de John Poole, le créateur du logiciel de mesure de la performance Geekbench, dont les analyses statistiques ont forcé l’entreprise à sortir du silence.

Changer les batteries des iPhone

La chaîne CNBC appelle à changer gratuitement les batteries des iPhone touchés. Apple y a probablement songé. Un petit programme d’échange des batteries défectueuses a été lancé en novembre 2016, pour résoudre des problèmes d’extinction inopinée. Ce programme est réservé aux iPhone 6s, fabriqués de septembre à octobre 2015.

Pourquoi Apple a-t-il imposé un pansement logiciel à beaucoup d’autres smartphones, dont les iPhone SE, 6 et 6S et 7, pour résoudre un problème similaire ? Faut-il en conclure que le changement de batterie ne résolvait pas le problème ? Ou qu’Apple s’est aperçu que le nombre de smartphones concernés était beaucoup plus vaste que prévu, et que l’échange gratuit de leur batterie coûterait trop cher ? Difficile de répondre à cette question.

Une facture indigeste pour Apple ?

Mais on peut répondre à la question suivante : Apple a-t-il les moyens de remplacer les batteries de centaines de millions d’iPhone ? Si l’on admet que le problème affecte tous les iPhone SE, 6, 6s, le nombre de smartphones concerné s’approche des 500 millions, selon une estimation grossière. Hors garantie, Apple facture le remplacement des batteries d’iPhone 80 dollars. La facture du rappel tournerait donc probablement autour de 40 milliards de dollars, l’équivalent de 34 milliards d’euros. Une somme à la portée d’Apple, qui pourrait la régler sans puiser dans son trésor de guerre de 250 milliards de dollars. L’entreprise a réalisé 47 milliards de bénéfices en 2016.

Encore s’agit-il d’une hypothèse haute. La facture coûterait probablement moins cher à Apple. Le coût de revient du changement d’une batterie est probablement inférieur au prix public de 80 dollars. En outre, les 500 millions d’iPhone SE, 6 et 6s ne sont pas tous concernés, comme l’a montré l’étude statistique de John Poole. Enfin, tous les consommateurs ne profiteraient pas nécessairement du rappel pour faire changer leur batterie.

Des zones d’ombre demeurent

Les solutions imaginées par la presse américaine le prouvent, Apple avait les capacités de prévenir ce problème, ou de le résoudre plus adroitement. L’affaire n’est pas close. On ignore encore à quel point les iPhone sont ralentis. Aucun journaliste n’a apporté la preuve que le pansement logiciel d’Apple dégradait l’usage des iPhone de façon importante et permanente.

Pour l’heure, on sait seulement que la vitesse maximale de leur électronique est bridée. Il est possible que le pansement d’Apple ne gêne qu’occasionnellement les utilisateurs. Il est même possible qu’une partie des consommateurs ne le ressentent pas, ou peu.

Une autre question importante reste en suspens : d’autres fabricants de smartphones les brident-ils ? Samsung ralentit-il ses Galaxy quand leur batterie faiblit ?

Une preuve finira peut-être par émerger en faveur d’Apple, indiquant que son choix était sensé, et que son pansement logiciel a eu peu d’impact sur le confort de ses clients. Mais le mal est fait : l’image de la firme ressortira altérée de cette séquence médiatique.

Certains fidèles auront du mal à pardonner à Apple d’avoir agi sans les avertir. En outre, Apple pourrait prochainement subir des procès liés à cette affaire. Deux plaintes ont été déposées par des groupes de consommateurs en Californie et dans l’Illinois. Apple est loin d’être sorti de la tempête.