Des partisans de l’indépendance de la Catalogne, à Barcelone, le 21 décembre 2017. / EMILIO MORETTI/ AP

Un mot pour Madrid, un mot pour Barcelone, et une adresse à Bruxelles. Après avoir salué, jeudi 22 décembre au soir, « la victoire de la “république” catalane sur l’Etat espagnol », Carles Puigdemont s’est adressé aux responsables européens, les enjoignant une nouvelle fois à prendre une part plus active dans la crise : « L’Europe doit en prendre bonne note, la recette de Rajoy ne fonctionne pas » en Catalogne, a dit à Bruxelles le président déchu de l’exécutif catalan.

M. Puigdemont reste fidèle à la stratégie qu’il a mise en œuvre dès le soir du référendum illégal du 1er octobre : en appeler à une médiation internationale et demander à l’Union européenne de faire pression sur Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, pour qu’il consente à discuter. Sa fuite à Bruxelles, le 30 octobre, en compagnie de plusieurs de ses ministres, avait encore illustré cette tentative d’« internationalisation » de la question catalane, vilipendant depuis la capitale de l’Europe la procédure utilisée par Madrid pour destituer l’exécutif régional et prendre le contrôle des institutions après que la région eut déclaré son indépendance.

Mais si M. Puigdemont avait un espoir que la victoire du camp indépendantiste – à eux trois, les formations indépendantistes (ERC, Ensemble pour la Catalogne, CUP) obtiennent 70 des 135 sièges au parlement régional – modifie la position des institutions européennes, celui-ci a été rapidement douché. Peu de temps après l’annonce des résultats définitifs, un porte-parole de la Commission faisait savoir que cette position « ne changera pas ». « Elle est connue et a été réitérée régulièrement, à tous les niveaux. S’agissant d’une élection régionale, nous n’avons pas de commentaire à faire », a indiqué Alexandre Winterstein à l’AFP.

« Une déclaration d’indépendance, violant les règles de l’Etat espagnol, ne serait reconnue par personne », insiste un diplomate

Bruxelles a toujours exprimé son soutien à M. Rajoy, plaidé pour le respect des règles constitutionnelles espagnoles et évoqué « une affaire intérieure ». Refusant de reconnaître la légalité du référendum sur l’indépendance du 1er octobre, la Commission a prôné le dialogue, en rejetant cependant l’idée d’une médiation de sa part, réclamée par le camp indépendantiste mais rejetée catégoriquement par Madrid.

Le résultat de jeudi ne va toutefois pas rassurer les dirigeants européens, inquiets de la possible déstabilisation de l’un des principaux pays membres de l’UE alors que les divisions avec l’Est s’aggravent, à propos de l’accueil des réfugiés et du respect de l’Etat de droit, et alors que l’extrême droite s’installe au pouvoir en Autriche.

Vienne a commencé à semer le trouble, en parlant d’accorder la nationalité autrichienne aux habitants du Haut-Adige en Italie, que les Autrichiens appellent le Tyrol du Sud. Sans compter le Brexit et les tensions régionales que celui-ci provoque au Royaume-Uni, en Ecosse et surtout en Irlande, avec la question de la frontière de l’Irlande du Nord.

Stabilité et unité

Soucieuse d’abord de sa stabilité et de l’unité de ses membres, l’Union ne fera donc rien d’autre que « maintenir le cap », comme le confirme un diplomate. « En restant sur cette position, nous indiquons à Puigdemont qu’une éventuelle déclaration d’indépendance de la Catalogne, violant les règles de l’Etat espagnol, ne serait reconnue par personne. Dès lors, à lui de réfléchir… »

Les chancelleries européennes ne se bousculaient pas pour réagir, vendredi matin. Guy Verhofstadt, le président du groupe libéral au Parlement européen, préférait jeudi soir, de son côté, noter que Ciudadanos, le parti centriste et anti-indépendantiste, devenait « le plus grand parti de Catalogne », reconnaissant toutefois que « les défis les plus difficiles sont toujours là ».

Parmi les rares voix à soutenir M. Puigdemont et ses amis, Karl Vanlouwe, un député de l’Alliance néoflamande (N-VA), le parti indépendantiste de Flandre, a estimé que « Madrid ne peut pas continuer à détourner le regard » après cette élection. « L’Europe doit désormais prendre ses responsabilités », a-t-il estimé depuis Bruxelles, où il assistait au meeting de M. Puidgemont. Un autre élu régional de la N-VA, Peter Miert, juge que l’incarcération de dirigeants catalans est « une honte pour l’Europe » et qu’il convient d’y mettre rapidement fin.