« Les Petits Meurtres d’Agatha Christie - Un conte de Noël », de Rodolphe Tissot. / FRANCE 2

LES CHOIX DE LA MATINALE

Deux beaux documentaires, deux fictions et un podcast sur la grossophobie au menu de notre liste hebdomadaire.

« Les Petits meurtres… », conte irrévérencieux de Noël

Les Petits Meurtres d’Agatha Christie, la série à succès de France 2, est au rendez-vous des fêtes, avec un épisode inédit. Ville enluminée, flocons de neige, distribution de cadeaux, chants de circonstance… Du côté des apparences, Un conte de Noël remplit le contrat. Côté réalité, en revanche, tout va de travers : un Père Noël est assassiné, Louison, 6 ans, est témoin du meurtre, et son frère, 10 ans, kidnappé. Les deux enfants venaient tout juste de s’évader de l’orphelinat. Sont présents tous les personnages et les ingrédients du conte : la princesse (Marlène), la bienfaitrice (Alice), la sorcière et l’ogre tortionnaire (la directrice de l’orphelinat), les enfants en danger. Seul le prince charmant semble manquer à l’appel, le commissaire Laurence – si peu enclin à la bienveillance – ayant bien du mal à incarner ce rôle.

Et c’est tant mieux ! Car Les Petits Meurtres ne seraient pas ce qu’ils sont si les équipes chargées de les élaborer et de les porter (auteurs, réalisateurs, acteurs, techniciens…) ne s’amusaient, chaque fois, à glisser du cynisme, de l’irrévérence, de la dérision, à l’endroit où l’on nous habitue à de la sympathie, du respect et de la vertu. Dans ce Conte de Noël, égal à sa réputation, le commissaire Laurence n’est pas plus aimable avec les enfants – fussent-ils orphelins – qu’avec les adultes ; le Père Noël est une ordure (du moins nous laisse-t-on le supposer), et la vérité qui sort de la bouche des enfants est souvent plus cruelle qu’angélique. Véronique Cauhapé

« Les Petits Meurtres d’Agatha Christie, un conte de Noël », de Rodolphe Tissot. Avec Samuel Labarthe, Blandine Bellavoir (Fr., 2017, 90 min). Sur Francetv

L’histoire d’un mec gentil qui voulait devenir « badass »

Il s’appelle Eustache. Mais tout le monde le surnomme « Tatache ». Un pseudonyme à l’image de ce célibataire aimable et sensible. Trop à son goût. Car ainsi qu’il le répète, Tatache aimerait bien devenir « badass ». Comprenez un dur à cuire. En trente épisodes de trois minutes, Dawaland nous conte les (més) aventures de ce blondinet à tête rectangulaire, en quête d’une image de mauvais garçon. Mais voilà, malgré toutes ses gesticulations, le cœur guimauve d’Eustache ressort toujours, quelle que soit la situation.

S’il n’y a pas forcément de lien entre tous les épisodes, certains personnages récurrents servent de fil rouge aux trente travaux d’Eustache. Comme sa voisine Cécile, dont il est secrètement amoureux, ou sa mère avec qui le dialogue passe mal. Et pour cause, elle est ce qu’il rêverait d’être : une vraie « badass ». Au-delà de l’histoire, la singularité de « Dawaland » est de se présenter comme une sorte de making of de dessin animé. En effet, le rocambolesque quotidien de Tatache est raconté en temps réel – ou presque – par les deux mains survoltées de son dessinateur qui, sur une feuille A 4, dessine, rature, gomme, colore, jette de la farine ou des paillettes. Le tout accompagné d’une voix off, non moins survoltée et ultra-aiguë façon dessin animé classique. Ça cartoone ! Mathieu Ait Lachkar

« Dawaland », de Jean-Baptiste Saurel, Jean Chauvelot, et Eugène Riousse (France, 2017, 30 x 3 minutes). A voir sur Arte Creative.

Les néopaysans creusent leur sillon

Ils ne sont encore qu’une poignée d’hommes et de femmes accrochés à leurs rêves comme à leur terre, en quête d’une vie meilleure, respectueuse de l’environnement. Pourtant, et c’est l’une des forces de ce documentaire, on a envie de croire avec eux qu’un nouveau « champ des possibles » s’ouvre au sein d’un monde agricole enlisé dans la crise depuis des décennies. Afin de nous en convaincre, Marie-France Barrier est allée à la rencontre de ces néopaysans, mais pas seulement.

Tel dans l’Eure, Linda (ex-agent immobilier) et son compagnon qui ont établi, en lisière des grandes plaines céréalières, leur petit « paradis ». Replantant près de 300 arbres, le jeune couple a fait le pari de « remettre la vie où elle n’était plus » grâce à l’agroforesterie. Un pari exigeant et d’autant plus difficile qu’il s’inscrit à contre-courant et, de ce fait, suscite l’hostilité des acteurs historiques.

Pour autant, parmi eux, certains formés au rendement intensif remettent en cause ce modèle dominant, soucieux de protéger l’environnement et de faire fructifier la terre autrement. A l’instar d’Olivier, céréalier, qui a cessé, après vingt ans d’expérience, de pratiquer le labour, cause de l’appauvrissement du sol. Frédéric, éleveur de vaches laitières, qui a remisé soja et maïs pour reprendre avec ses bêtes le chemin des pâturages. A travers ces multiples parcours, auréolés d’une mise en image soignée, s’esquissent les contours d’un autre paysage agricole à taille humaine, pourvoyeur de sens et de lien social. Christine Rousseau

Le Champ des possibles, de Marie-France Barrier (Fr., 2017, 70 min). Sur Francetv

« Un podcast à soi » s’attaque à la grossophobie

Illustration Anna Wanda Gogusey

Diffusé tous les premiers mercredis du mois sur Arte Radio, « Un podcast à soi » se propose de traiter de questions sociales liées aux relations hommes-femmes. Pour ce troisième épisode, Charlotte Bienaimé s’est intéressée à une discrimination qui commence à trouver un écho dans les médias et les pouvoirs publics : la grossophobie. Pour cela, elle est partie à la rencontre de quatre femmes stigmatisées et rejetées par une société où la pression sur le corps féminin s’exerce dès la petite enfance. La figure maternelle, qui projette sur sa fille ses propres insatisfactions corporelles, y est souvent pour beaucoup, comme l’explique la sociologue Solenn Carof. Dans un monde régit par les clichés machistes (une femme doit manger une salade et être discrète quand un homme, lui, peut savourer une pizza et parler fort), ces quatre combattantes ont décidé de vivre pour elles, refusant les injonctions grossophobes. Souvent bouleversants, ces témoignages donnent à réfléchir non seulement sur nos comportements mais également sur nos jugements esthétiques. Gauthier Le Bret

Un podcast à soi (n°3) : le gras est politique (France, 2017, 40 min) Sur Arte Radio.

« Bette Davis, reine d'Hollywood » et splendide garce

Arte

Elle n’était pas « jolie » et sexy selon les canons d’Hollywood : sa grande rivale Joan Crawford et tant d’autres l’éclipsaient à cet égard. Mais tout le monde n’avait d’yeux que pour Bette Davis (1908-1989) et son extraordinaire présence dramatique. Elle fut la grande vedette hollywoodienne de son temps (de Bad Sister (1931), d’Hobart Henley à Wicked Stepmother (1989), de Larry Cohen), avec des débuts un peu lents et un trou de carrière après All About Eve (1950), de Joseph L. Mankiewicz. Si, dans Bad Sister, elle ne joue pas la « méchante sœur » mais la gentille, Bette Davis, qui giflait aussi bien qu’elle persiflait, incarnera toute sa vie les garces – où elle excellait. Et n’épargnera guère de monde autour d’elle, et sa fille lui réglera d’ailleurs son compte de manière cruelle dans un livre de souvenirs. Ce documentaire de Sabine Carbon n’apprend guère de choses qu’on ne savait déjà, mais on aura été touché de voir la grande actrice Gena Rowlands rappeler les souvenirs d’un tournage qu’elles firent ensemble et ému d’entendre dans quel état physique cette dure à cuire qu’était Bette Davis fit son dernier tournage, au bout de ses forces. Renaud Machart

Bette Davis. La reine d’Hollywood, de Sabine Carbon (All., 2016, 52 min.) Arte + 7 jusqu’au 25 décembre.