Petit tour d’horizon non exhaustif de ces militantes ou pas, classiques ou non, qui ont fait de la lutte contre les inégalités entre les sexes leur scène durant l’année écoulée.

Les intimistes

Antony Huchette pour M Le magazine du Monde

  • Emma

En 2017, cette informaticienne trentenaire a publié Un autre regard (en deux tomes, au éditions Massot). Ces BD reprennent notamment des croquis publiés sur son blog Emmaclit.com
Ses combats : Populariser l’idée de charge mentale, le poids que portent les femmes dans la gestion du foyer familial, de l’éducation des enfants aux tâches ménagères.
Coup d’éclat : Le tome II d’Un autre regard, évoquant notamment la charge mentale, a été numéro un des ventes sur Amazon, et devrait être traduit en plusieurs langues.

  • Titiou Lecoq

Cette journaliste et romancière a publié cette année Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale, chez Fayard. Elle est l’auteure d’un blog à succès, Girls and Geeks.
Ses combats : Lutter pour l’égalité dans la répartition des tâches ménagères.
Coup d’éclat : Pour Libération, elle a fait le portrait des femmes assassinées par leur conjoint depuis début 2017.

  • Elise Thiébaut

Cette journaliste s’est attaquée par le passé aux violences faites aux femmes. Cette année, elle dénonce le tabou des règles avec Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font (La Découverte) et Les règles… quelle aventure !, un ouvrage jeunesse, avec l’illustratrice Mirion Malle (éd. La ville brûle).
Ses combats : Offrir une lecture documentée et pédagogique pour déstigmatiser le sujet. Elle dénonce la négation de la douleur des règles et l’interdit sexuel.
Coup d’éclat : Avec un chiffre de ventes respectable (7 000 exemplaires), Ceci est mon sang a suscité de nombreux débats. Tout comme Le Grand Mystère des règles, de Jack Parker, sorti en 2017 chez Flammarion.

Comment les règles sont devenues taboues
Durée : 03:23

  • My little IVG

Blog créé à l’été 2016 par Chloé, jeune illustratrice parisienne, en référence au site lifestyle My Little Paris. Elle y décrit avec humour et précision son propre avortement.
Ses combats : Dédramatiser l’IVG, qui concerne 220 000 femmes par an en France.
Coup d’éclat : A la suite de leur succès viral, ses croquis ont été chroniqués dans de nombreuses revues féminines, qui ont applaudi cette manière d’aborder l’IVG.

  • Gabrielle Deydier

Fondatrice du webzine culturel Ginette Le Mag, elle a publié en juin On ne naît pas grosse (éd. Goutte d’Or). Une plongée violente à la première personne dans le quotidien d’une femme obèse (elle pèse 150 kg pour 1,53 m).
Son combat : La lutte contre la grossophobie, le mépris dont font l’objet en France les personnes en surpoids, en particulier les femmes.
Coup d’éclat : Le succès médiatique de son livre (qui l’a vue faire la couverture de The Observer Magazine) a accéléré la prise de conscience de la grossophobie, à laquelle la Mairie de Paris a consacré une journée de lutte, vendredi 15 décembre.

Les connectées

Antony Huchette pour M Le magazine du Monde

  • Les Glorieuses

Lancée en 2015 par l’économiste Rebecca Amsellem, cette newsletter traite, sous un angle féministe, de sujets de société.
Son combat : Exposer et lutter contre toutes les inégalités entre hommes et femmes.
Coup d’éclat : En 2016, Les Glorieuses ont été à l’initiative du mouvement du « 7 novembre 16 h 34 ». Soit le moment à partir duquel les femmes travaillent bénévolement, compte tenu de l’écart de salaire avec les hommes. Dans les entreprises, les employées étaient invitées à symboliquement arrêter leurs activités. En 2017, les inégalités s’étant accrues, la même action a eu lieu le 3 novembre.

  • Lauren Bastide

Ancienne journaliste à Elle, ex-chroniqueuse au « Grand Journal » sur Canal+, elle a lancé en novembre 2016 Nouvelles écoutes, un « studio de podcasts », dont La Poudre, dans lequel elle interviewe une artiste, une militante ou une politique.
Son combat : Faire émerger les questions de genre dans les médias grand public.
Coup d’éclat : Avoir cumulé plus d’un million de téléchargements pour La Poudre.

  • Cheek Magazine

Lancé en 2013 par les journalistes Faustine Kopiejwski, Myriam Levain et Julia Tissier, ce magazine en ligne d’actualité cible un public féminin et jeune.
Son combat : Réinventer la presse féminine en traitant davantage de thèmes de société que de mode et de beauté.
Coup d’éclat : En février 2017, le magazine Les Inrockuptibles, propriété de Matthieu Pigasse (co-actionnaire du Groupe Le Monde), a racheté Cheek Magazine, preuve du potentiel économique du pure player qui dispose de 300 000 visiteurs uniques mensuels.

  • Quoi de meuf ?

Cette newsletter hebdomadaire a été lancée en janvier par deux journalistes, Clémentine Gallot et Mélanie Wanga, sur le modèle du podcast/newsletter américain Call Your Girlfriend.
Son combat : Mettre en avant les questions féministes, antiracistes et LGBTQ qui innervent l’actualité, de l’écriture inclusive à Beyoncé.
Coup d’éclat : Avec cinq mille lecteurs hebdomadaires, Quoi de meuf ? a été l’objet d’un petit buzz cette année, notamment pour avoir importé une lecture anglo-saxonne et pop de l’actualité.

  • Nadia Daam

Journaliste à Arte et Europe 1, très active sur les réseaux sociaux, elle se distingue par sa grande liberté de ton.
Ses combats : Sur Slate, ses articles proposent d’aborder avec une approche féministe les questions qui touchent à la parentalité. Elle y a consacré un livre : Mauvaises mères, coécrit avec Emma Defaud et Johana Sabroux.
Coup d’éclat : Avoir dénoncé avec force le sexisme du forum 18-25 ans de Jeuxvideo.com et les campagnes de harcèlement que ses contributeurs orchestrent régulièrement. Elle a subi en retour un cyber-harcèlement d’une rare violence.

Les communautaires

Antony Huchette pour M Le magazine du Monde

  • Mwasi

Collectif non-mixte afroféministe créé en 2014.
Son combat : L’émancipation des femmes noires prises en étau entre racisme et sexisme. Une convergence des discriminations appelée intersectionnalité.
Coup d’éclat : L’annonce, en mai 2017, de la tenue d’ateliers non mixtes lors du festival Nyansapo, prévu en juillet, a enflammé les réseaux sociaux, la fachosphère dénonçant un événement « interdit aux Blancs ». Anne Hidalgo a alors menacé d’interdire la manifestation, la Mairie de Paris mettant à disposition des locaux. Le collectif a justifié le recours à la non-mixité, « une nécessité », et maintenu ces ateliers, arguant qu’ils devaient se tenir dans des lieux privés.

  • Lallab

Association créée en 2016 afin de « faire entendre la voix des femmes musulmanes pour lutter contre les oppressions racistes et sexistes. »
Son combat : Elle entend prouver qu’islam et féminisme sont compatibles. Lutter à la fois contre l’islamophobie et le sexisme. Elle affirme que les femmes peuvent porter le voile par choix.
Coup d’éclat : En août 2017, le site gouvernemental de l’agence du service civique fait disparaître des annonces de recherche de volontaires postées par Lallab. Motifs : les missions proposées ne répondent pas aux « principes fondamentaux du service civique ». S’ensuit une violente polémique entre ceux qui voient en Lallab le faux nez des islamistes et ceux qui la défendent. Une tribune de soutien à l’association est alors publiée dans Libération, signée notamment par Benoît Hamon, Act Up, l’écrivaine et militante Rokhaya Diallo et de nombreuses figures féministes.

Les intellos

Antony Huchette pour M Le magazine du Monde

  • Virginie Despentes

Son essai King Kong Théorie, qui mêle récit personnel et réflexions sur le viol, la prostitution et la pornographie, est considéré comme l’un des ouvrages majeurs du féminisme français.
Ses combats : Entre autres, venir à bout de « cette histoire de féminité », une « arnaque » qui tyrannise les femmes en leur dictant ce qu’elles doivent être.
Coup d’éclat : Etre devenue mainstream. La romancière rebelle a fait la « une » de toute la presse pour le tome III de Vernon Subutex, une de meilleures ventes de l’année.

  • Eliane Viennot

Professeure émérite de littérature française à l’université Jean-Monnet, à Saint-Étienne, elle a lancé en novembre dernier une pétition contre l’enseignement de la règle grammaticale qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin.
Ses combats : Faire reconnaître que le langage est une arme de domination et que sa féminisation peut contribuer à faire progresser l’égalité.
Coup d’éclat : Avoir fait de l’accord de proximité un débat national. Des médias et des enseignants se sont engagés à l’adopter, contre l’avis de l’Académie française.

  • Laure Murat

Historienne et professeure au département d’études françaises et francophones de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), elle a consacré sa thèse à « L’invention du troisième sexe ».
Ses combats : Ne pas se laisser flouer par les victoires féministes symboliques. Garder à l’esprit que le monde est massivement inégalitaire.
Coup d’éclat : Dans Libération, le 12 décembre 2017, elle a écrit avoir été frappée par la misogynie et le sexisme insupportables mis en scène dans le film Blow-Up. Ce texte sur le changement de point de vue sur les violences faites aux femmes, a été assimilé à un appel à la censure contre ce classique de 1966.