Le gouvernement étudie plusieurs pistes pour accroître le contrôle des demandeurs d’emploi. / POLE EMPLOI/FLICKR/CC BY 2.0

Emmanuel Macron avait annoncé la couleur dès la campagne présidentielle : en cas de victoire, proclamait-il à l’époque, l’assurance-chômage sera transformée en profondeur, ce qui se traduira – entre autres – par un renforcement du contrôle des demandeurs d’emploi. Les intentions sont en passe de devenir réalité. Comme le révèle Le Canard enchaîné dans son édition du mercredi 27 décembre, le gouvernement envisage de durcir les sanctions à l’égard des inscrits à Pôle emploi qui manquent à leurs obligations. Sollicité par Le Monde, le cabinet de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, n’a pas souhaité commenter ces fuites. Mais les scénarios évoqués par l’hebdomadaire satirique existent bel et bien, même s’ils sont incomplets. Et rien, à ce stade, n’est définitivement tranché.

Le Canard enchaîné, qui affirme se fonder sur une « note confidentielle », rapporte qu’un chômeur verra ses allocations « d’emblée réduites de 50 % pour une durée de deux mois » dans trois cas de figure : s’il ne recherche pas assez activement du travail, s’il refuse une formation ou s’il décline deux offres d’emploi jugées raisonnables. « S’il récidive, précisent nos confrères, elles seront carrément supprimées, pour la même durée de deux mois. »

Plusieurs pistes sur la table

Autre disposition à laquelle songe l’exécutif : demander aux inscrits à Pôle emploi de « remplir un rapport d’activité mensuel » qui recenserait toutes les démarches accomplies afin de décrocher un poste. Des pratiques similaires ont déjà cours dans quelques pays européens – la Suède et le Danemark, notamment. Le Canard enchaîné, lui, y voit la reprise d’une idée de Pierre Gattaz, le président du Medef, qui avait plaidé, le 17 octobre, en faveur d’un « contrôle journalier ou hebdomadaire » des chômeurs.

« L’article force le trait et caricature, ce qui est dans l’esprit du journal », réagit une source gouvernementale. Une autre source au cœur du dossier réfute la thèse selon laquelle ce projet de carnet de bord tenu par le demandeur d’emploi aurait pour objectif de fliquer et de punir : « Il s’agit de se situer dans le préventif, pas dans le répressif. Le but est d’améliorer l’accompagnement des personnes en détectant un éventuel relâchement des efforts pour trouver du travail. Ainsi tenus au courant, les agents de Pôle emploi peuvent ajuster leur offre de services, leurs conseils à l’égard des inscrits. »

S’agissant de la révision du barème des sanctions, d’autres pistes sont sur la table – en plus de celles mentionnées par Le Canard enchaîné. Ainsi, les chômeurs touchant une allocation qui ne répondent pas aux convocations de leur conseiller chez Pôle emploi verraient leur prestation diminuer de 20 % pendant un mois (de 50 % pendant deux mois en cas de récidive). La punition serait, dans cette hypothèse, moins sévère qu’à l’heure actuelle puisque les « refus de répondre aux convocations » entraînent la radiation des listes pendant deux mois, la première fois (jusqu’à six mois, si le manquement se reproduit). Cet aspect de la réforme est important, car les rendez-vous qui tombent à l’eau (sans raison valable) constituent la cause la plus importante de radiation, très loin devant les autres motifs prévus dans la loi (absence d’« actes positifs et répétés en vue » d’être embauché ; refus, « à deux reprises » et « sans motif légitime », d’une « offre raisonnable d’emploi »…).

Adapter « la nature et l’échelle des sanctions » 

Quant aux chômeurs non indemnisés, qui « snoberaient » leur correspondant à Pôle emploi, le régime pourrait être différent de celui appliqué aux demandeurs d’emploi percevant l’allocation : une radiation de quinze jours, la première fois ; d’un mois, la seconde.

La réflexion en cours vise à adapter « la nature et l’échelle des sanctions », glisse une source gouvernementale en soulignant qu’une « absence à convocation est aujourd’hui plus sanctionnée qu’une insuffisance de recherche d’emploi » – la seconde se soldant par une radiation de deux semaines, dans la quasi-totalité des cas (Le Monde du 10 novembre).

Ces projets s’inscrivent dans la droite ligne du « programme de travail » que les services de Mme Pénicaud ont remis, le 14 décembre, aux partenaires sociaux. A partir de ce document, le patronat et les syndicats vont engager, en janvier, une négociation susceptible de déboucher sur un accord dont l’exécutif pourra s’inspirer – ou non – lorsqu’il mettra en musique sa réforme. L’un des objectifs poursuivis est de parvenir à « un meilleur contrôle et accompagnement des demandeurs d’emploi », notamment en modifiant le « barème et [les] modalités de sanctions ». Le gouvernement a l’intention de formuler, dans les prochaines semaines, des propositions à ce sujet. Mais les organisations d’employeurs et de salariés veulent aussi faire entendre leurs voix – « ce qui accroît l’indétermination », insiste une source au sein de l’exécutif.

Les premières réactions, côté syndical, ne sont pas très favorables. Instaurer un carnet de bord du chômeur ? « C’est une idée technocratique, estime Jean-François Foucard (CFE-CGC). Je ne suis pas sûr que ça produise beaucoup d’effet. » L’exécutif cherche à « faire des économies tout en culpabilisant les chômeurs », dénonce Denis Gravouil (CGT), qui ajoute : « Macron et son gouvernement confirment qu’ils ne s’occupent que de leur électorat, les CSP ++, et pas de ceux et celles qui sont dans la précarité. »

Demandeurs d’emploi : que dit la loi ?

La loi du 1er août 2008, relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, énumère les situations où les chômeurs sont radiés des listes de Pôle emploi. Sont notamment concernées les personnes qui ne peuvent « justifier de l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de ­retrouver un emploi » ainsi que celles qui, « sans motif légitime, refuse[nt] à deux reprises une ­offre raisonnable d’emploi ». Sont aussi visées celles qui refusent « de suivre une action de formation ou d’aide à la recherche d’emploi » ou qui ne donnent pas suite « à toute convocation » de Pôle emploi. L’allocation peut être réduite ou supprimée, plus ou moins longtemps, selon le « manquement » observé.