Mise en place d’un panneau de limitation de vitesse, sur la RN 57, à Hyet (Haute-Saône), le 1er juillet 2015. / SEBASTIEN BOZON / AFP

Edito du « Monde ». Abaisser la vitesse sur les axes secondaires pour épargner des vies. La mesure n’est pas nouvelle. En 2013, le Conseil national de la sécurité routière avait déjà proposé de ramener la limitation de vitesse sur « les routes bidirectionnelles sans séparateur médian » de 90 à 80 km/h. Quatre ans plus tard et après 7 643 décès sur ce type de voies, le gouvernement devrait enfin passer à l’acte mi-janvier, malgré la bronca des associations d’automobilistes et du lobby des constructeurs.

Cette focalisation sur les routes secondaires est difficilement discutable. Les axes bidirectionnels concentrent 87 % de la mortalité sur route hors agglomération et 55 % de l’ensemble de la mortalité routière. Suivant les orientations définies par les Nations unies et l’Union européenne, le gouvernement s’est fixé comme objectif de faire passer le nombre annuel de morts sous les 2 000 à l’horizon 2020 (contre 3 655 aujourd’hui). Cibler cette catégorie de routes particulièrement dangereuses est donc frappé au coin du bon sens.

Si la mortalité a reculé de près de 13 % depuis 2010, on constate depuis trois ans une remontée inquiétante du nombre de décès sur les routes. L’objectif de 2020 semble de plus en plus hors de portée : pour y parvenir, il faudrait respecter un rythme de baisse de 6,7 % par an sur la décennie. Compter sur le dispositif sécuritaire et répressif actuel pour atteindre ces chiffres serait illusoire.

Au-delà des drames, un enjeu économique majeur

Au-delà des drames familiaux provoqués par les accidents de la route, la baisse de la mortalité au volant constitue un enjeu économique majeur. L’insécurité routière a coûté 50 milliards d’euros en 2016, soit 2,2 % du PIB, contre seulement 1,5 % en Allemagne. Comme Emmanuel Macron l’a encore rappelé le 5 septembre, se contenter de cette situation est « inacceptable », et elle nécessite « une réaction ambitieuse et collective ».

Les experts affirment que baisser la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h permettrait de sauver de « 350 à 400 vies par an ». Ce chiffre est contesté par les associations d’automobilistes, qui considèrent que la vitesse n’est pas le problème. Elles pointent l’équipement insuffisant et l’entretien déficient de ces routes secondaires et accusent les pouvoirs publics de vouloir seulement remplir les caisses de l’Etat en intensifiant la répression. Elles craignent enfin que cette mesure contribue à enclaver un peu plus des zones rurales qui ne disposent pas d’axes de circulation rapide.

Pourtant, comme le rappelle la Sécurité routière, la vitesse est « souvent » un « facteur déclencheur » des accidents « et pratiquement toujours » un « facteur aggravant ». Ce paramètre est à l’origine d’un accident sur trois, au même niveau que l’alcool et l’inexpérience.

Le lobby automobile demande au gouvernement de renoncer à son projet sous prétexte qu’une majorité de Français est contre. Mais à chaque durcissement de la réglementation, on a entendu les mêmes arguments. En 1973, quand la limitation est passée à 100 km/h, puis à 90 km/h, alors que plus de 16 000 personnes mouraient sur les routes. Mais aussi en 2003, sous Jacques Chirac, lorsque les premiers radars automatiques furent installés. Ces mesures impopulaires contribuèrent pourtant à faire baisser significativement le nombre de morts. La sécurité routière est un domaine qui peut faire gagner des vies, mais perdre des voix aux élections. Raison de plus pour prendre des décisions en début de mandat.