Le retour à Bamako d’Amadou Toumani Touré (ATT) fut le cadeau de Noël offert aux Maliens par leur président, Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Le chef de l’Etat avait déclaré au préalable, vendredi 22 décembre : « Le moment est venu de dire à notre jeune frère Amadou Toumani Touré de revenir au Mali. Il a quitté le pouvoir de manière légale. » La suite est un festival d’amabilités protocolaires entre deux membres de cette élite malienne qui, dans son ensemble, est responsable de la déplorable situation actuelle.

L’avion de commandement est donc allé chercher ATT à Dakar, où, depuis qu’il a été renversé, en 2012, il vivait un exil confortable et discret. Puis, à peine revenu, il a été reçu par son successeur lors d’un déjeuner privé dans le palais qu’il avait dû fuir à la hâte, avant de rejoindre sa résidence. « Circulez, il n’y a plus rien à voir », semble-t-on dire aux Maliens.

Ce retour d’ATT au pays montre une fois de plus que la classe politique malienne n’a pas abandonné son goût particulier pour le consensus, une marque de fabrique de ce pays où tout semble pouvoir se régler entre arrangements et petites amitiés, avec les mêmes personnes qui se relayent au pouvoir.

Illusion démocratique

Les hommes politiques du Mali se complaisent en fait dans une sorte de consensus mou, plutôt que de travailler autour des fractures qui sont le marqueur d’une démocratie vivante. La place réduite laissée à la conflictualité nécessaire dans l’espace public confine à une forme d’illusion démocratique.

Le pays, après la dictature de Moussa Traoré et la conférence nationale de 1991, a fait illusion pendant vingt ans. On l’a vanté, sous les mandats d’Alpha Oumar Konaré et d’ATT, comme un modèle démocratique, un pays phare en Afrique, alors que le cœur de l’Etat était progressivement fragilisé par divers maux. De nombreuses questions fâcheuses ont été jetées sous le tapis, afin de montrer une image de respectabilité à l’étranger.

En 2012, il a fallu un nouveau soulèvement dans le nord du pays, une percée des islamistes qui ont failli, n’eut été l’intervention de l’armée française, s’emparer de Bamako, pour se rendre à l’évidence : le Mali est une croûte, l’intérieur est vide. L’armée était à la rue, la classe politique corrompue et engluée dans diverses compromissions, la nation inexistante et les fondements de l’Etat largement sapés.

Ce retour d’ATT est une nouvelle imposture malienne. Une belle communion devant les caméras, à la face du monde, pour tenter de cacher une réconciliation nationale inexistante. Jusqu’au prochain drame.

Opération de com’

Le Mali est un « grand corps malade », comme l’a écrit Sarah-Jane Fouda dans Le Monde Afrique. Il a besoin d’un traitement à long terme pour guérir de ses symptômes que sont le séparatisme touareg, le djihadisme, les trafics de drogue et d’êtres humains, etc. Le pays est surtout malade d’une classe politique plus soucieuse de son confort que de la réalisation de l’unité nationale et de la réponse aux problèmes du quotidien des citoyens.

Depuis le retour à la démocratie, les mandats se succèdent, mais la déception des Maliens vis-à-vis de leurs leaders demeure. Le cauchemar sécuritaire est une réalité dans tout le pays. L’amélioration des conditions de vie reste une utopie lointaine.

L’opération de com’ sur le retour d’ATT, sous couvert d’une fraternité à la sauce africaine, est ridicule. Le déjeuner en l’honneur de l’ancien président, mis en scène pour l’occasion, n’est guère à la hauteur de l’enjeu, qui est de sauver le Mali de la disparition.

Au contraire, il s’agit encore de vieilles recettes politiciennes dans le pays entre distractions, petits calculs et ruses. En somme, ce que la vieille garde politicienne sait faire de mieux face à un peuple qui ne cesse de souffrir. Gare au retour de bâton ! Porté par un vent de « dégagisme », l’obscur capitaine Sanogo était sorti de sa caserne en 2012 pour renverser le père de la démocratie malienne.