Génie turbulent du ballon rond, Hatem Ben Arfa est devenu, au gré des contrariétés et mises à l’écart, un modèle de placidité et de tempérance. Paradoxalement, le parachèvement de cette sidérante métamorphose est à mettre au crédit des dirigeants du Paris Saint-Germain.

En ostracisant le joueur de 30 ans, ces derniers ne pensaient pas, à l’origine, enclencher pareille transformation. Frappé d’anathème, l’attaquant international français (quinze sélections) fait preuve d’un stoïcisme à toute épreuve, alors même qu’il n’a plus disputé le moindre match officiel avec l’équipe de la capitale depuis le 5 avril. Et il n’est même pas certain que l’intéressé profite du marché hivernal des transferts, qui s’étire du 1er au 31 janvier, pour chercher à rebondir ailleurs.

But Hatem BEN ARFA (18') / Paris Saint-Germain - OGC Nice (4-1) - / 2015-16
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Pourtant, à l’été 2016, l’arrivée au PSG de Hatem Ben Arfa, que l’on surnomme « HBA » s’apparente à une renaissance et à un retour aux sources. Au sortir d’une saison éclatante avec l’OGC Nice (dix-sept buts inscrits en Ligue 1), le natif de Clamart (Hauts-de-Seine) est alors la recrue phare du club parisien. En passe de gommer son image de dilettante ingérable, il cède aux sirènes de Nasser Al-Khelaïfi, le président qatari du PSG, et rejoint avec enthousiasme l’armada pilotée par l’entraîneur espagnol Unai Emery.

Mais, d’emblée, son coach le pique au vif, pointe son manque d’investissement à l’entraînement et le pousse à « améliorer sa condition physique ». Au fil des mois, son statut devient précaire : le talentueux dribbleur est relégué sur le banc des remplaçants, quand il n’est pas convié à s’asseoir en tribune. En mars, HBA exprime son spleen et réitère sa volonté de convaincre Unai Emery dans une vidéo kitschissime partagée sur les réseaux sociaux.

La vidéo surréaliste de Ben Arfa !
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Un point de non-retour est atteint, un mois plus tard, entre les dirigeants parisiens et l’ex-attaquant de Lyon (2002-2008) et de l’Olympique de Marseille (2008-2011) : selon le clan Ben Arfa, la rupture serait consommée depuis la visite de l’émir du Qatar et propriétaire du PSG, Tamim Al-Thani, au centre d’entraînement du club, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le 8 avril. Ce jour-là, le joueur aurait glissé au souverain, sur un ton goguenard, qu’il était plus aisé de lui parler qu’à Nasser Al-Khelaïfi, peu disponible. Cette remarque aurait froissé le président du club et scellé la disgrâce du joueur.

Guerre des nerfs

En juillet, Michel Ouazine, conseiller de Hatem Ben Arfa, et Jean-Jacques Bertrand, son avocat, sont reçus par Antero Henrique, le nouveau directeur sportif du PSG. Ce dernier leur signifie son souhait de voir le joueur — dont le salaire annuel est estimé à 10 millions d’euros par L’Equipe — quitter le club. La formation turque de Fenerbahçe est alors sur les rangs pour accueillir le banni.

« De façon ouverte, on lui a dit qu’il ne jouerait aucun match de la saison, explique Me Bertrand, dont le client est lié au PSG jusqu’au 30 juin. Mais s’il partait, il ne faudrait pas oublier deux choses : sa destination et son contrat, auquel il faudrait mettre fin. En l’occurrence, Hatem n’a rien demandé : ni à partir, ni à ce qu’on mette fin à son contrat. »

Selon le quotidien Le Parisien, le solde de tout compte auquel aurait pu prétendre le joueur s’élèverait à 3 millions d’euros. Mis au placard, HBA décide pourtant de rester à Paris.

En septembre, la tension monte d’un cran lorsque les dirigeants du PSG envoient le joueur s’entraîner avec l’équipe réserve, en lice dans le championnat amateur. Jean-Jacques Bertrand saisit alors la commission juridique de la Ligue de football professionnel (LFP). Réintégré dans un premier temps dans le groupe professionnel, Hatem Ben Arfa est par la suite expédié à nouveau en réserve. Cette guerre des nerfs dure jusqu’à la mi-octobre : le joueur est alors définitivement autorisé à s’entraîner avec l’effectif d’Unai Emery.

« Selon la charte du football et les obligations propres aux contrats des joueurs pros, Hatem doit avoir les mêmes conditions d’entraînement que tous les autres joueurs professionnels, rappelle son avocat. Le PSG a tenté d’utiliser une forme d’alternance entre des phases où on le mettait en équipe réserve et d’autres où on le faisait revenir parmi les pros pour prétendre que ce n’était pas définitif mais seulement temporaire. »

Prêt à prendre son mal en patience

Le 14 novembre, HBA est auditionné par la commission juridique de la LFP et y prône « l’apaisement ». « Tout est rentré dans l’ordre. Le club respecte ses conditions d’entraînement depuis le 17 octobre. A défaut de le faire jouer, insiste Jean-Jacques Bertrand. On ne veut pas jeter de l’huile sur le feu pour le moment. Sur le plan moral, il y a un préjudice incontestable : faire perdre à un joueur de 30 ans une année de compétition en lui demandant de méconnaître le contrat qu’il a, ce n’est quand même pas très loyal. »

Le défenseur salue « la zénitude », « la force de caractère assez insoupçonnable », « le recul » de son client « par rapport à une situation de provocation dans laquelle on essayait de le mettre ». « Dire à un joueur qu’il ne jouera pas de l’année, c’est faire péter les plombs à n’importe qui, dit-il. Il a pris forcément sur lui pour ne pas mal réagir, comme on pouvait peut-être l’attendre de sa part. Hatem, à son niveau, c’est Neymar. C’est un artiste. On a envie de le voir jouer et on est donc frustré. »

Selon son entourage, HBA n’aurait guère d’intérêt à trouver un point de chute lors du mercato hivernal. Même si Antero Henrique a récemment dit au Parisien « qu’un accord [serait] trouvé très vite ». Le directeur sportif du PSG est d’autant plus enclin à vendre le joueur que l’institution parisienne doit dégager rapidement des revenus (au moins 70 millions d’euros) afin d’échapper aux sanctions de l’Union des associations européennes de football (UEFA) dans le cadre du fair-play financier.

Hatem Ben Arfa remercie le PSG pour son 1er match officiel
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A court de rythme, HBA semble prêt à prendre son mal en patience jusqu’au terme de son contrat et à discuter posément avec d’autres clubs. Au 30 juin, il sera libre de s’engager avec l’équipe de son choix tout en privant le PSG d’indemnités de transfert.

« Il aura envie de jouer dans un environnement sportif qui lui sera plus favorable, confie Jean-Jacques Bertrand. Sa vie n’a été faite que de hauts et de bas. Là, il est dans un bas et il doit attendre le prochain haut. » A défaut d’avoir pu exercer son art au PSG, Hatem Ben Arfa y aura, au moins, énormément appris sur lui-même.