A Monrovia, le 28 décembre 2017, deux jours après la victoire de l’ancien international de football, George Weah, et sa colistière, Jewel Howard-Taylor. / SEYLLOU/AFP

George Weah a été élu, le 26 décembre 2017, deuxième président de la République du Liberia, après deux mandats d’Ellen Johnson Sirleaf. Sa troisième tentative lui a réussi et il s’est hissé à la tête de son pays.

Cette victoire de l’ancienne star du ballon rond, qui est jusqu’à présent le seul Africain à avoir obtenu le Ballon d’or, provoque diverses réactions sur le continent et au-delà, partagées entre effusions de joie au regard de la belle trajectoire de l’homme et peurs au sujet de sa prétendue incompétence. L’élection de Weah est aussi analysée par certains comme un rejet du personnel politique libérien.

Ceci nous semble biaisé, car l’homme, depuis son engagement public, est un membre du corps politique de son pays. Après les terrains de foot, « Mister George » a débuté un long match politique. Weah a créé un parti. Il a été candidat comme tête de liste ou colistier trois fois à une présidentielle. Il est allé remporter son siège de sénateur face au fils d’Ellen Johnson Sirleaf. Il s’est engagé « musculairement » au service de la démocratie dans son pays.

Un ailleurs lointain

Weah est passé du « je » au « nous ». Evoluant dans un milieu du football professionnel souvent très individualiste et régi par l’argent roi, il a d’abord mis aura et fortune au service des plus faibles dans un pays ravagé par la guerre. Puis il s’est politisé en ayant la conviction que cette conscience des problèmes sociaux à résoudre devait déboucher sur une conscience politique des enjeux, des rapports de force et de domination au Liberia.

Après l’action sociale et le « processus de politisation » ayant abouti à un regard critique porté sur les dirigeants de son pays, il s’est engagé dans l’espace public partisan et la compétition électorale.

Ce n’est donc pas un footballeur qui a remporté une victoire électorale le 26 décembre 2017, mais une icône du sport qui a décidé de se politiser, puis de s’engager en politique pour arriver à cette consécration.

George Weah a-t-il lu notre ouvrage collectif Politisez-vous ! ? Certainement pas. Mais il apporte de l’eau à notre moulin : celui d’inviter les femmes et hommes en colère ou en désaccord avec la manière dont sont conduites les affaires de nos Etats, ceux qui ne veulent plus voir leur pays mal gouverné, à s’impliquer politiquement pour être les acteurs du changement.

Le parcours sportif de George Weah est remarquable. Son parcours de vie devient exceptionnel. Il n’est certes pas le centre du monde mais a refusé de se contenter d’être un ancien avant-centre de légende.

Liberia : « Weah, c’est l’homme qui a réalisé son rêve »
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L’homme, après sa carrière, n’a pas choisi le confort du riche qui vit en Europe, aidant de temps en temps les nécessiteux de son pays natal et du bidonville de Moronvia dont il est issu à travers une fondation ou une association, se refusant à tout commentaire politique. Il n’a pas non plus choisi de se fendre de quelques déclarations critiques à l’endroit des dirigeants du Liberia, toujours dans le bien-être d’un ailleurs lointain.

Weah s’est « sali les mains ». Il a décidé de donner de sa personne et de ses moyens au service d’un rêve de nouveau Liberia. Notre propos n’est pas de lui accorder déjà un blanc-seing pour la suite ni de dire qu’il sera meilleur que ceux à qui il succède. Sera-t-il un bien piètre président ? Ou au contraire mettra-t-il son pays sur les rails du progrès ? Nous n’en savons rien.

Le camp du Bien

Ce qui, en revanche, est à saluer, et qui rejoint nos préoccupations constantes, c’est son choix d’engagement qui est une leçon pour tous ceux qui critiquent quotidiennement de l’intérieur ou de l’étranger leur pays et arborent un silence gêné ou sortent une explication peu convaincante quand on leur demande ce qu’ils prévoient de faire pour changer les choses. L’ancienne star du Paris-Saint-Germain et du Milan AC est de ceux qui pensent que conquérir l’électorat puis disposer de l’appareil d’Etat et des immenses possibilités de transformation qu’il offre est un moyen efficace pour changer quelque chose à défaut de tout révolutionner.

George Weah mérite davantage de respect que les « apolitiques » ou les partisans du « tous pourris » sans autre forme de projet. Ils sont en partie coupables du mal actuel de l’Afrique. Ils sont les anti-Weah qui, pourtant, sur les réseaux sociaux et dans les médias, le glorifient en ce moment mais attendent un échec pour le conspuer. Ils sont le camp du Bien, ce camp qui ne se trompe jamais car jamais il n’agit.

George Weah, lui, s’est politisé, au risque de se tromper, de décevoir et d’échouer, délaissant le rôle facile de l’observateur. Il nous donne, à tous, une leçon et nous invite à nous mettre concrètement au service de nos pays.

Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées. Racine Assane Demba est journaliste. Avec un collectif d’auteurs, ils ont écrit en 2017 le manifeste Politisez-vous ! (United Press).