L’affaire du lait infantile de Lactalis contaminé aux salmonelles met désormais en cause les autorités publiques. Selon Le Canard enchaîné du mercredi 3 janvier, des inspecteurs vétérinaires rattachés au ministère de l’agriculture avaient effectué une visite de contrôle en septembre 2017 sans rien détecter d’anormal, alors que l’usine était infectée depuis le premier semestre de cette même année.

Au 20 décembre, l’autorité de surveillance Santé publique France avait recensé 35 nourrissons atteints de salmonellose en France depuis la mi-août. Il a été prouvé que 31 des enfants malades avaient consommé un lait infantile de l’usine Lactalis de Craon, mise à l’arrêt le 8 décembre.

Cette information a été confirmée à l’Agence France-Presse (AFP) par une responsable du ministère de l’agriculture, qui a reconnu qu’aucune anomalie n’avait été décelée en septembre dans l’usine. Selon le ministère, cela s’explique par le fait que l’inspection « portait sur un seul domaine d’activité de l’usine » : « un nouvel atelier de mélange à sec de céréales », et pas sur les activités concernant la poudre de lait.

Le gouvernement, en l’occurrence Bercy, chargé notamment de la répression des fraudes et du suivi des produits infantiles, avait annoncé le 10 décembre un retrait massif de lots de lait, alors que jusque-là seuls quelques lots avaient été rappelés. Onze jours plus tard, Lactalis procédait au rappel de l’ensemble de ses laits et autres produits infantiles issus de cette usine depuis février, reconnaissant qu’une « contamination dispersée s’[était] installée dans [l’]usine de Craon suite à des travaux réalisés courant premier semestre 2017 ».

Des tests gardés par Lactalis ?

Mais l’hebdomadaire souligne également que le groupe Lactalis avait lui-même procédé à des contrôles en interne en août et en novembre ; contrôles qui avaient mis en évidence la présence de salmonelles dans les bâtiments.

Le ministère affirme n’avoir « pas eu connaissance » des résultats de ces autocontrôles. Dans sa défense, il souligne qu’une obligation de notification n’existe que lorsqu’une non-conformité a été décelée sur un produit mis sur le marché. Lactalis a rétorqué dans un communiqué que :

« Les deux seules analyses positives, l’une en août et l’autre en novembre, de traces de salmonelle ont été révélées uniquement dans l’environnement et non dans les produits. Cela a donné lieu comme il se doit à l’application d’un programme de nettoyage adapté et à des contrôles renforcés sur les lots fabriqués à ces dates, contrôles qui se sont tous révélés négatifs. Toutes ces analyses ont été transmises aux autorités compétentes dès le début ».

Une enquête préliminaire a été ouverte à la fin décembre par le parquet de Paris, notamment pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui », mais l’association des familles de victimes s’interroge : « Comment peut-on expliquer que Lactalis a su et n’a rien fait depuis août ? Et l’Etat ? », a réagi mercredi Quentin Guillemain, président de l’association, à l’origine de la première plainte, déposée à la mi-décembre.

Une deuxième plainte a été déposée le 29 décembre par l’association de consommateurs UFC-Que choisir, alors que l’association des familles de victimes a recensé 200 enfants – dont 60 hospitalisés et 35 diagnostiqués – présentant des symptômes similaires à ceux de la salmonellose. L’affaire a également pris une dimension internationale au vu des volumes de produits infantiles exportés, notamment vers la Chine.