Le premier ministre Edouard Philippe (à droite) et le secrétaire d’Etat Benjamin Griveaux, à l'Elysée, mercredi 3 janvier. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Pas question de « ralentir », encore moins de « faire une pause ». Pour sa première prise de parole de l’année 2018, effectuée à l’occasion d’un séminaire du gouvernement convoqué à l’Elysée, mercredi 3 janvier, Emmanuel Macron a donné le ton : même s’il est élu pour cinq ans et n’affrontera pas d’échéance électorale avant dix-huit mois, il entend mettre en œuvre l’ensemble de son programme tout de suite, sans attendre, comme il s’y était engagé durant la campagne.

« Le président de la République nous a demandé non seulement de garder le même niveau d’ambition, de mobilisation et d’innovation, mais aussi de garder le rythme des réformes au cours du semestre à venir », a indiqué le premier ministre Edouard Philippe à l’issue du séminaire, qui s’est poursuivi par un déjeuner à l’Elysée. « Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche, beaucoup de réformes et de transformations à concevoir, à mettre en œuvre, à expliquer », a ajouté le chef du gouvernement.

Depuis l’élection de l’Assemblée nationale, le 18 juin 2017, les députés ont examiné 63 textes et adopté définitivement 29 textes de loi, dont la réforme par ordonnances du code du travail, la loi antiterroriste ou le budget 2018. Un rythme jugé soutenu par les élus. Il ne devrait pas faiblir. A l’issue du séminaire – le quatrième depuis le début du quinquennat –, Edouard Philippe a présenté plus d’une dizaine de nouveaux projets de loi, qui seront examinés d’ici à cet été, ainsi que de nombreuses mesures réglementaires.

Des socialistes inaudibles

L’exécutif considère que le contexte politique lui est favorable et qu’il doit en profiter pour pousser son avantage. Les oppositions peinent toujours à se faire entendre et à déstabiliser le pouvoir, de même que les syndicats, divisés.

Le Parti socialiste est, à ce stade, incapable d’incarner une alternative à un pouvoir qui enchaîne les bons sondages. « Il faut toujours se méfier de Laurent Wauquiez [Les Républicains] et de Jean-Luc Mélenchon [La France insoumise], mais la vraie nouveauté, c’est la confirmation de la mort du PS. Les socialistes sont totalement invisibles, inaudibles », estime un proche du premier ministre.

Sans surprise, l’essentiel de l’action gouvernementale durant les six prochains mois tournera autour de l’économie et du social, jugés prioritaires sur les sujets sociétaux. Dès la fin janvier, un projet de loi mettant en œuvre les conclusions des états généraux de l’alimentation sera présenté en conseil des ministres. En mars, ce sera au tour du projet de loi sur le logement, avant d’attaquer en avril le gros morceau que seront les réformes de l’assurance-chômage, de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Un projet de loi sur les transports et un autre sur les entreprises seront aussi examinés au début du printemps.

Pas de triomphalisme

Plus compliquée à mettre en œuvre du fait de l’opposition d’une partie du Sénat, la réforme de la Constitution, qui doit notamment permettre de diminuer le nombre de députés, sera examinée « au cours du premier semestre », a fait savoir le premier ministre, sans plus de précision. De même, le projet de loi sur l’asile et l’immigration, qui sera présenté au conseil des ministres en février, fait craindre à l’exécutif une fracture d’une partie de la majorité, tant les positions sur le sujet sont diverses.

Conscient de ces difficultés, le couple exécutif a profité du séminaire pour mettre en garde contre tout triomphalisme. « Le président de la République (…) a rappelé son attachement, partagé par le gouvernement, d’entendre les voix qui s’expriment [et] de les prendre en compte », a indiqué Edouard Philippe, qui a rappelé « [s]a méthode » : « expliquer et concerter, en mettant tout sur la table, en toute transparence, en prenant le temps d’écouter, de modifier parfois, sans jamais esquiver, mais en conservant bien dans l’esprit et dans le cœur que nous devons avancer. »

« Il faut rester prudent et ne pas crier victoire, car tout peut se retourner très vite. Le vrai danger, au-delà des oppositions politiques, c’est le réel. C’est la manière dont les Français, dans leur quotidien, vont avoir ou pas le sentiment que leurs vies changent », explique un conseiller ministériel. Signe qui ne trompe pas, le couple exécutif a utilisé à plusieurs reprises ces derniers jours les mots de « cohésion » et de « projet social » pour qualifier ses réformes, manière implicite de reconnaître qu’il marchait jusqu’ici davantage sur sa jambe droite que sur sa jambe gauche.

Une heure trente d’aparté

En fin de journée, mercredi, le chef de l’Etat a renoué de son côté avec les vœux à la presse depuis l’Elysée – un cérémonial abandonné par François Hollande en 2015, après les attentats du 7 janvier.

S’exprimant devant quelque 200 journalistes et acteurs des médias depuis la salle des fêtes du palais, M. Macron a confirmé la présentation d’un projet de loi, courant 2018, sur l’audiovisuel public, et il a annoncé un autre texte législatif censé lutter contre la diffusion de fake news (« fausses informations ») sur Internet. Sans définir les contours exacts de cette future loi ni citer les supports visés, le président de la République a dit vouloir « combattre le complotisme » et la « propagande » relayée selon lui par certains médias sur la Toile et les réseaux sociaux.

Le chef de l’Etat a également profité de l’exercice pour envoyer une nouvelle pique à son prédécesseur, François Hollande. Défendant une « saine distance » entre les médias et le pouvoir politique, il a fustigé « les habitudes [qui] avaient été prises » et il a fait la leçon aux journalistes en les appelant à cesser de diffuser « les propos d’antichambre » pour leur préférer « les propos publics soupesés » des dirigeants politiques.

Dans la foulée de cette injonction, le même Emmanuel Macron s’est pourtant octroyé plus d’une heure trente d’aparté – hors micro – avec de nombreux journalistes présents. Typiquement le genre de pratique qu’affectionnait François Hollande.