Face-à-face entre manifestants et forces de l’ordre, à Téhéran, le 30 décembre 2017. / AP

Le mouvement de protestation en Iran, qui avait débuté voici une semaine, semble avoir perdu en intensité ces derniers jours, les autorités ayant notamment déployé un important dispositif de sécurité. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont toutefois fait état de petites manifestations, jeudi 4 janvier dans la soirée, mais sans qu’il soit possible de vérifier leur authenticité. Aucune manifestation n’a eu lieu ces trois derniers jours dans la capitale, Téhéran.

Pour la troisième journée de suite, de nouveaux rassemblements de soutien au régime ont, en revanche, été organisés vendredi après la prière collective, dans la province de Téhéran et dans plusieurs villes de province, pour condamner les « fauteurs de troubles », selon les images diffusées par la télévision d’Etat.

Au terme de cette semaine, tous les observateurs s’accordent pour reconnaître que ce sont des raisons économiques qui se trouvent à l’origine du mouvement de contestation sur l’ensemble du territoire. Mais la plupart d’entre eux considèrent en même temps que le mécontentement général traduit autre chose. C’est ce que montrent plusieurs tribunes publiées par Le Monde.

L’écart entre le pouvoir et la société se creuse

« On demande désormais la fin du régime, non pas tant pour davantage de démocratie, mais par désespoir sur la capacité de la théocratie à satisfaire aux demandes des catégories fragiles », relève le sociologue Farhad Khosrokhavar.

« La révolte est beaucoup plus celle des “va-nu-pieds” que des classes moyennes : elle témoigne de la misère, de la baisse du niveau de vie dans une société où la rente pétrolière enrichit indûment, et par la corruption, les élites du régime », ajoute M. Khosrokhavar, selon qui ce mouvement montre que l’écart entre le pouvoir et la société se creuse de manière inexorable, le régime ayant perdu toute légitimité, car le système est bloqué.

L’universitaire Firouzeh Nahavandi insiste, quant à elle, sur le fait que les jeunes, « très présents » dans la contestation (même si celle-ci « touche toutes les catégories d’Iraniens désespérés, pris à la gorge et ne voyant aucune perspective d’avenir »), aspirent « en priorité, à l’amélioration de leur situation économique et à l’accès à un travail décent et en concordance avec leur niveau de formation ».

Le « cercle des intimes » et les « fils de… »

Sur ce plan, souligne l’universitaire, l’échec du régime est cuisant : « Le taux de chômage des jeunes, souvent très diplômés, se situe entre 30 % et 50 %. » Mme Nahavandi explique notamment que « dans le système iranien, les postes disponibles ou les meilleurs sont accaparés par les proches du régime, le “cercle des intimes” et leurs enfants, les “fils de…”, signe de l’un des échecs les plus importants de la révolution, qui se voulait populaire et qui a abouti à une croissance des inégalités. »

« De manière générale, confrontés à la répression du régime, les jeunes ont surtout fait le choix de défier le pouvoir, non pour demander de changement politique de grande envergure, mais pour des réformes concrètes », relève la professeuse d’université.

La crise de ces derniers jours traduit aussi une remise en cause de la politique du gouvernement iranien au Moyen-Orient. Les manifestants ont demandé des comptes au pouvoir, qui d’un côté prétend manquer de ressources pour améliorer le quotidien des Iraniens mais de l’autre finance par exemple les projets du Hezbollah au Liban, ou la guerre contre l’organisation Etat islamique en Irak et Syrie.

Le professeur Mohammad-Reza Djalili fait, lui, remarquer que ce n’est pas le président, Hassan Rohani, qui a la main sur la politique régionale de l’Iran, mais les gardiens de la révolution, piliers du régime et garant de l’ordre révolutionnaire.