Le logo de la plate-forme suédoise de streaming musical Spotify, lors d’une soirée de lancement d’album à l’Ace Hotel à Los Angeles en Californie, le 11 décembre. / Charley Gallay / AFP

Spotify se rapproche encore un peu plus de Wall Street. Selon la presse américaine, la plate-forme suédoise de streaming (lecture sans téléchargement) musical a lancé, fin décembre, une procédure confidentielle d’introduction en Bourse auprès des autorités américaines. L’opération est attendue au cours du premier trimestre.

Pour ses débuts boursiers, Spotify a opté pour une méthode très inhabituelle. La société prévoit en effet de procéder à une cotation directe. Elle n’émettra pas de nouvelles actions à un prix déterminé à l’avance, mais permettra simplement à ses actionnaires de revendre leurs titres. Cela signifie qu’elle ne lèvera de capitaux, car elle estime ne pas avoir besoin de fonds additionnels. Cette option va lui permettre d’économiser plusieurs millions de dollars de commissions, mais aussi de ne pas être soumise à diverses obligations et restrictions.

L’accueil réservé par les marchés sera particulièrement surveillé. Occasion de tester l’appétit des investisseurs après plusieurs introductions décevantes – comme celle de Snap, la maison mère de l’application de partage de photos et de vidéos Snapchat –, l’opération pourrait donner des idées à d’autres entreprises. Selon le Wall Street Journal, la plate-forme de location Airbnb penserait suivre la même voie pour son introduction en Bourse, grandement attendue pour 2018.

Plus de 70 millions d’abonnés payants

Spotify pensait avoir levé les derniers obstacles en 2017, en signant des accords avec les principales maisons de disques. C’était compter sans la procédure judiciaire lancée fin décembre par Wixen Music, qui lui reproche de ne pas avoir réglé les droits de plus de 10 000 morceaux et lui réclame 1,6 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros). « Cette plainte pourrait effrayer les investisseurs », estime Mark Mulligan, directeur du cabinet MIDiA Research.

Fondé en 2006, le groupe de Stockholm a surfé sur l’essor rapide du streaming, devenu le premier mode d’écoute musicale. Il s’est surtout imposé comme le leader du marché, aussi bien sur la partie gratuite que payante. En 2015, sa dernière levée de fonds s’était effectuée sur la base d’une valorisation de 8,5 milliards de dollars. Depuis, cette valorisation a grimpé, atteignant, selon l’agence Reuters, jusqu’à 19 milliards de dollars sur le marché secondaire.

En outre, Spotify n’a pas vraiment souffert de la concurrence d’Apple, qui a lancé sa propre plate-forme en juin 2015. Jeudi 4 janvier, l’entreprise a précisé avoir dépassé la barre des 70 millions d’abonnés payants, soit un gain de 10 millions de clients en cinq mois. Son rythme de croissance est ainsi deux fois supérieur à celui d’Apple Music, qui revendiquait en septembre plus de 30 millions d’abonnés.

« Envolée des pertes »

La réussite n’est pas totale. Spotify a accusé, en 2016, une perte nette de 539 millions d’euros, en forte hausse malgré un bond de 52 % de son chiffre d’affaires, à 2,9 milliards d’euros. « L’envolée des pertes s’explique principalement par les coûts de la dette », souligne M. Mulligan. L’introduction en Bourse doit permettre de convertir une partie de cette dette en actions.

Au-delà, l’entreprise doit encore prouver la pertinence de son modèle économique. La tâche est compliquée, car elle reverse plus de 80 % de son chiffre d’affaires sous forme de royalties aux ayants droit. Spotify cherche donc de nouvelles sources de recettes, en investissant dans la vidéo. Mais ses efforts n’ont pas encore porté leurs fruits.