Martin Schulz, président du SPD, se rend à une réunion avec Angela Merkel, à Berlin, le 3 janvier. / MARKUS SCHREIBER / AP

Près de deux mois après avoir échoué à former un gouvernement avec les libéraux (FDP) et les Verts, les conservateurs allemands (CDU-CSU) entament, à partir de dimanche 7 janvier, un nouveau cycle de négociations à Berlin, cette fois avec les sociaux-démocrates (SPD), dans l’espoir de constituer avec eux une « grande coalition ».

Ces négociations se dérouleront en deux étapes. La première, qui doit durer jusqu’au vendredi 12 janvier, est celle dite des « discussions exploratoires » : pendant six jours, les représentants de la CDU-CSU et du SPD – 39 personnes au total – doivent se réunir par petits groupes thématiques afin de fixer les grandes orientations du prochain gouvernement. La seconde, celle de la rédaction du contrat de coalition proprement dit, commencera lundi 22 janvier, au lendemain du congrès du SPD, prévu la veille à Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), lors duquel les délégués du parti seront appelés à valider les résultats des discussions exploratoires.

Séquence à haut risque pour Angela Merkel

Pour Angela Merkel, la réussite de ces négociations est un impératif. Affaiblie par le score décevant de la CDU-CSU aux élections législatives du 24 septembre 2017 (33 % des voix, le pire résultat obtenu par les conservateurs depuis 1949) puis par l’échec des pourparlers avec le FDP et les Verts, la chancelière sortante a tout intérêt à former une « grande coalition » avec le SPD.

La chancelière Angela Merkel se rend à une réunion pour discuter de la formation d’un gouvernement de coalition, à Berlin, le 3 janvier. / SOEREN STACHE / AP

En cas d’échec, son avenir à la tête de l’Allemagne pourrait être compromis. Dans une telle perspective, les deux hypothèses envisageables pour la suite sont, en effet, politiquement risquées, qu’il s’agisse de la mise en place d’un gouvernement minoritaire, une expérience jamais tentée en Allemagne et à laquelle Mme Merkel s’est déjà dite défavorable, ou de la tenue de nouvelles élections, forcément périlleuse dans la mesure où certains, à la CDU-CSU, pourraient en profiter pour réclamer son départ et la désignation d’un(e) autre candidat(e) à la chancellerie.

Vis-à-vis de l’opinion, la réussite des pourparlers avec le SPD est d’autant plus importante pour Angela Merkel que les trois mois qui se sont écoulés depuis les législatives ont érodé sa popularité. Selon le dernier baromètre ARD-DeutschlandTrend, publié jeudi 4 janvier, 53 % des Allemands souhaitent qu’elle reste chancelière. Ils étaient 61 % en octobre 2017.

De même, d’après un sondage YouGov pour l’agence de presse DPA, paru le 27 décembre 2017, 47 % des Allemands souhaitent que Mme Merkel quitte la chancellerie avant la fin de son mandat, en 2021 (soit 11 points de plus qu’en octobre), seuls 36 % d’entre eux souhaitant la voir au pouvoir pour quatre ans encore (ils étaient 44 % deux mois plus tôt).

Martin Schulz sous la pression de sa base

Pour Martin Schulz, la partie s’annonce également délicate. Après avoir déclaré, au soir des législatives, qu’il ne souhaitait pas que son parti gouverne à nouveau avec les conservateurs, le président du SPD doit maintenant convaincre sa base qu’il a eu raison de changer d’avis, fin novembre, après l’échec des pourparlers entre la CDU-CSU, le FDP et les Verts.

Martin Schulz, président du SPD répond à la presse, alors qu’il se rend à une réunion avec Angela Merkel, à Berlin, le 3 janvier. / MARKUS SCHREIBER / AP

Aujourd’hui, les sociaux-démocrates sont en effet très réservés quant à l’idée d’une nouvelle grande coalition. Depuis l’arrivée de Mme Merkel à la chancellerie, ils ont en effet déjà participé à deux reprises à un gouvernement de ce type (2005-2009 puis 2013-2017). Or, au terme de ces deux expériences, le SPD a été lourdement sanctionné dans les urnes. Aux dernières législatives, il n’a ainsi recueilli que 20,5 % des voix, 5,2 points de moins qu’en 2013.

Dans ce contexte, beaucoup estiment qu’il serait suicidaire de poursuivre l’aventure, et que le parti aurait davantage intérêt à se refaire une santé dans l’opposition plutôt que de servir de force d’appoint à une Mme Merkel en fin de course.

Obtenir des concessions significatives

S’il veut avoir le feu vert des délégués du SPD lors du congrès prévu à Bonn, le 21 janvier, avant de faire valider le contrat de coalition par l’ensemble des adhérents quelques semaines plus tard, M. Schulz sait qu’il doit obtenir des concessions significatives de la part de la CDU-CSU. En 2013, le SPD avait réussi à introduire le salaire minimum dans le contrat de coalition. Cette année, il ne semble en mesure d’imposer aucune réforme d’envergure aux conservateurs, ces derniers ayant déjà fait savoir qu’ils étaient opposés à la réforme du système de santé, prônée par les sociaux-démocrates.

Ceux-ci plaident, en effet, pour la création d’une assurance citoyenne (Bürgerversicherung) financée par l’ensemble des revenus afin de lutter contre « une médecine à deux vitesses », comme l’a martelé Martin Schulz pendant la campagne électorale.

Le SPD parviendra-t-il à faire plier la CDU-CSU sur d’autres points, en obtenant par exemple une augmentation des impôts sur les plus hauts revenus, une politique d’investissements ambitieuse dans le domaine des infrastructures ou une intégration plus forte de la zone euro, en phase avec les propositions du président français Emmanuel Macron ? Sera-t-il en mesure de contrer les conservateurs en matière de politique migratoire, alors que ceux-ci – et tout particulièrement la CSU bavaroise – veulent imposer plusieurs mesures auxquelles le SPD est opposé, comme la mise en place de tests médicaux visant à vérifier l’âge des migrants, la fixation à 200 000 du nombre de demandeurs d’asile susceptibles d’être accueillis chaque année en Allemagne ou le rallongement de quinze à trente-six mois du délai au terme duquel ces derniers pourraient bénéficier des aides sociales accordées aux autres citoyens ?

Ces questions seront au cœur des pourparlers qui commencent ce dimanche à Berlin.