Le « Growth hacker » doit maîtriser le code et faire preuve de créativité pour aider les start-up à trouver de nouveaux clients. / JOE RAEDLE / AFP

Paul Depardon, de Frichti, est growth hacker. Un drôle de nouveau métier apparu dans le sillage des start-up et de leur jargon numérique, qui se répand à grande vitesse dans les incubateurs, accélérateurs et autres espaces de coworking. Littéralement, les growth hackers sont des pirates partis en quête d’un butin dont rêvent tous les start-upeurs : de la visibilité, et donc des prospects, qu’il s’agit ensuite de convertir en clients et en hausse du chiffre d’affaires. Rien à voir toutefois avec un directeur de la stratégie ou du développement, qui aurait la même feuille de route dans une entreprise « installée ».

« L’idée est de tenter des solutions pour aller chercher de nouveaux clients et débloquer les problèmes qui nous empêcheraient de grandir autant qu’on voudrait », précise Paul Depardon. Comment ? En s’appuyant sur les multiples techniques de marketing numérique pour localiser, récupérer des prospects, et ensuite maîtriser ce que les marketeurs appellent le « tunnel de conversion » qui transforme le prospect en client.

Gagner en visibilité

En fonction des objectifs de l’entreprise, le growth hacker teste une technique ou une méthode. Si elle donne un résultat, tout va bien… Sinon, il passe à autre chose. C’est le fameux concept du « test and learn » appliqué au marketing. « La question que se pose un growth hacker est de savoir s’il existe une audience cachée sur la plate-forme [déployée par la start-up], de se demander où sont les gens et comment les toucher, par exemple en automatisant une partie des tâches, de trouver de nouvelles astuces pour gagner en visibilité sur les réseaux », ajoute Merwane Hamadi, ingénieur en informatique, qui exerce le métier en free-lance auprès de différentes start-up. Pour parvenir à cet objectif, il arrive parfois que le pirate, comme son nom l’indique, agisse à la limite de la légalité, par exemple en allant « aspirer » des fichiers d’adresses mail auxquelles il n’aurait normalement pas accès. Ce que Frédéric Canevet, auteur avec Grégoire Gambatto du livre Le Growth Hacking. Huit semaines pour doubler le nombre de vos prospects, paru en septembre chez Dunod, appelle le « black » hacking, en opposition au « white » hacking, qui fait appel uniquement à des techniques autorisées, et au « grey », qui est plus ambigu…

Bases techniques et créativité exigées

Ce métier demande donc de solides bases techniques, mais surtout une bonne dose de créativité et une capacité à faire, le nouveau mantra des start-up. « Le growth hacking, c’est beaucoup de système D et beaucoup d’itération », confirme Denis Cohen, CEO de Dropcontact et expert en marketing numérique. « Etre growth hacker, c’est surtout avoir le goût des nouveaux challenges, aimer mettre les mains dans le cambouis, être agile et pragmatique », ajoute Paul Depardon, diplômé de Paris-Dauphine et spécialiste de la finance de marché. Il faut aussi chercher des résultats à moyen, voire à court terme : dans une start-up, un projet de croissance se mesure en semaines plutôt qu’en trimestres.

C’est justement ce qui a poussé Paul Depardon à quitter la banque JP Morgan à Londres pour rejoindre une start-up. « La rapidité d’exécution, le concret, ça attire beaucoup les gens de ma génération, argumente-t-il. Dans ce métier, j’ai beaucoup plus de responsabilités que dans la banque, et cela a un côté plus fun au quotidien. »

Un métier sans diplôme

Reste quelques compétences indispensables : avoir une capacité d’analyse pour détecter les problèmes et imaginer les solutions, faire preuve de rigueur dans l’exécution et intégrer les enjeux financiers – il s’agit de voir progresser le chiffre d’affaires sans investir des millions en marketing !

Il n’existe aucun diplôme pour cette spécialité aujourd’hui. Pour Frédéric Canevet, un bon growth hacker doit savoir « coder, écrire, communiquer et avoir de l’empathie » pour comprendre les enjeux de son métier. Avec une formation bac + 2 aux métiers du numérique, plus une spécialisation UX (User Experience), il est ainsi possible d’accéder à cette fonction avec un salaire initial annuel de 32 000 à 38 000 euros, selon les fourchettes publiées par le site de recrutement Urban Linker. Les plus expérimentés, eux, peuvent négocier des salaires entre 45 000 et 65 000 euros.