Alors que Benyamin Nétanyahou est encerclé par les affaires politico-judiciaires, la droite israélienne se livre à la surenchère. Dimanche 7 janvier, le ministère des affaires stratégiques a publié une liste de 20 organisations étrangères dont les membres seront dorénavant interdits d’entrée sur le territoire israélien. Il leur est reproché de participer au mouvement international Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui veut faire payer à Israël le prix de l’occupation en Cisjordanie.

Parmi les organisations visées, onze sont européennes. On y trouve par exemple l’association France-Palestine Solidarité. Aux Etats-Unis, c’est Jewish Voice for Peace, à gauche, qui est citée. Sa directrice générale, Rebecca Vilkomerson, a fustigé une « érosion constante des normes démocratiques » en Israël.

Le ministère des affaires étrangères n’a pas été directement associé à l’établissement de cette liste, dont la publication intervient à l’approche d’une discussion en conseil des ministres sur le budget 2019, prévue le 11 janvier. Les calculs politiques pourraient entrer en considération. « La publication de cette liste est un pas supplémentaire dans la lutte contres les tentatives de délégitimer Israël et dont le but est la destruction de l’Etat d’Israël comme un état juif », a indiqué le ministre de la sécurité intérieure et des affaires stratégiques, Guilad Erdan, dans un communiqué. « Aucun pays n’accepterait de laisser entrer sur son territoire des personnes qui veulent lui nuire », a-t-il ajouté.

Répondre au mouvement BDS

Le ministre a obtenu récemment l’approbation du gouvernement pour former un nouvel organisme semi-étatique, doté d’un budget de 65 millions d’euros, chargé de coordonner la réponse au mouvement BDS sur le plan de la communication. La moitié de la somme proviendra de son ministère, l’autre de donateurs privés. Ce même Guilad Erdan, quelques jours plus tôt devant le comité central du Likoud, promouvait la libre construction pour les Israéliens partout en Cisjordanie, où la loi israélienne devrait s’appliquer selon lui au nom d’un « droit biblique ».

En août 2016, les ministères de l’intérieur et celui des affaires stratégiques avaient mis en place une équipe commune pour repérer les activistes étrangers du BDS souhaitant venir en Israël, afin de bloquer leur voyage. L’établissement d’une liste noire est la conséquence d’un texte de mars 2017. La Knesset (Parlement) avait adopté alors en dernière lecture un texte de loi interdisant d’accorder un visa ou un titre de séjour à tout étranger défendant des sanctions ou le boycott contre Israël ou ses colonies en Cisjordanie.

Une stratégie agressive

Dans le pays, gauche et droite dénoncent en des termes ardents le mouvement BDS, taxé d’antisémitisme à peine voilé et considéré comme hostile à l’existence même de l’Etat hébreu. Recevant dimanche la ministre norvégienne des affaires étrangères, Ine Eriksen Søreide, le chef de l’Etat Réouven Rivlin a ainsi déclaré que le BDS « conduit à accentuer la haine et symbolise tout ce qui entrave le dialogue, le débat et le progrès. »

Depuis deux ans, le gouvernement Nétanyahou a adopté une stratégie agressive contre les partisans du BDS, sans se soucier des accusations d’intolérance et de bafouement du débat démocratique. A la mi-novembre 2017, sept représentants de la gauche française avaient été notifiés d’une interdiction d’entrée en Israël, pour leur engagement - réel ou supposé - en faveur du mouvement BDS. Cette mesure, récurrente, est généralement appliquée après l’arrivée sur le territoire, notamment à l’aéroport Ben-Gourion. Début novembre, un employé de l’ONG Amnesty International, en provenance de Jordanie, avait été empêché d’entrer en Cisjordanie à la demande du ministère de la sécurité publique israélien. L’argument d’un soutien au mouvement BDS avait été brandi.