Editorial du « Monde ». C’est presque une routine : au lendemain de la trêve des confiseurs, nos voisins allemands ont repris, dimanche 7 janvier, les négociations qui leur permettront peut-être, au printemps, de parvenir à former un gouvernement, à moins que ces pourparlers n’échouent. Il n’y aurait alors d’autre solution que de tenir de nouvelles élections ; aucun gouvernement ne serait plus à espérer avant le deuxième semestre 2018, car, très probablement, de nouvelles négociations s’imposeraient pour construire une autre coalition.

C’est l’infortunée situation dans laquelle le scrutin législatif du 24 septembre 2017 a plongé la chancelière Angela Merkel. Sa formation, les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU, en est sortie affaiblie avec seulement 33 % des voix, une contre-performance aggravée par la forte poussée du parti d’extrême droite AfD. Partenaire de la CDU dans la coalition sortante, le parti social-démocrate SPD a réalisé son pire score de l’après-guerre. Une première tentative de négociation en vue de former une coalition dite « Jamaïque », rassemblant la CDU-CSU, les libéraux du FDP et les Verts, a échoué en novembre. Mme Merkel s’est donc tournée vers le SPD, avec lequel elle mène jusqu’au 12 janvier des entretiens « exploratoires ». Si ces discussions se révèlent positives, d’autres négociations seront entamées le 22 janvier, au lendemain du congrès du SPD, pour élaborer le contrat de coalition.

Tout cela est d’une lenteur insupportable. On fera valoir, outre-Rhin, que les longues négociations de coalition sont une spécificité de la vie politique allemande, et que, même avec un gouvernement qui expédie les affaires courantes, l’Allemagne va très bien, merci. Une sorte de version germanique de Chi va piano, va sano, s’imposerait donc naturellement.

Dynamique européenne au point mort

Mais le temps n’est pas à la routine, ni même à se hâter lentement. L’Allemagne n’est plus seule, elle est le plus grand pays de l’Union européenne, par sa population et par sa puissance économique. Profondément arrimée à l’UE, elle joue un rôle essentiel dans la zone euro. L’infortunée situation qui a résulté des élections du 24 septembre n’affecte pas seulement la chancelière Merkel, mais l’Europe tout entière.

Ailleurs, les forces populistes ne désarment pas.

Elle affecte au premier chef la France, que nos amis allemands ont assez mise en garde au printemps 2017 contre une possible victoire de Marine Le Pen et des forces populistes aux élections de mai et juin. De tels choix, faisait valoir Berlin à juste titre, sonneraient le glas de la construction européenne. La victoire d’Emmanuel Macron, puis la vague parlementaire de La République en marche ont renversé la tendance, au grand soulagement de Berlin et de Bruxelles. M. Macron s’est mis au travail et a présenté, deux jours après le scrutin allemand, avec le discours de la Sorbonne le 26 septembre, ses propositions de refondation de l’Europe.

Depuis, le silence de Berlin est assourdissant. Angela Merkel est trop occupée pour répondre. La dynamique européenne créée par les élections françaises est au point mort. Ailleurs, les forces populistes ne désarment pas. Une autre échéance critique se profile, celle des élections législatives en Italie, le 4 mars. Les élections européennes de 2019 risquent de tourner au fiasco si l’Allemagne n’accélère pas. Si les dirigeants allemands sont capables de sortir de leur enfermement pour entendre un seul message, le voici : Beeilen Sie sich, Frau Merkel ! Dépêchez-vous, MmeMerkel !