Emmanuel Macron,  lundi 8 janvier, à Xi’an,  en Chine. / Jean-Claude Coutausse/ french-politics pour « Le Monde »

Emmanuel Macron a décidé de revenir « une fois par an » en Chine. Pour sa première visite d’Etat dans la deuxième puissance économique mondiale, le président de la République française a voulu marquer les esprits, lundi 8 janvier, en proposant à Pékin un vaste programme de coopération pour « réinventer le multilatéralisme ».

« Ma ke long », adaptation en chinois de son nom de famille qui se traduit par « le cheval qui dompte le dragon », devait offrir au président chinois Xi Jinping un cheval de la Garde républicaine, un geste répondant à la « diplomatie du panda » chinoise. M. Macron arrive à point nommé pour se poser en interlocuteur européen privilégié des Chinois dans un contexte de grande confusion à Washington et d’incertitudes aussi bien à Londres qu’à Berlin. « Je suis venu vous dire que l’Europe est de retour », a déclaré lundi le jeune président français lors d’un discours de plus d’une heure prononcé dans la ville de Xi’an, sur le site du palais Daming, vestige d’une ancienne cité interdite datant de la dynastie Tang.

Sur place, M. Macron a rendu un vibrant hommage à la culture chinoise et à tout ce qu’elle a suscité de questionnements et de débats dans nos sociétés et notre littérature, citant à l’envi Marguerite Yourcenar, Paul Claudel, Victor Segalen ou les pionniers de la sinologie. Il a loué le rôle moteur de la Chine dans la lutte contre le réchauffement climatique et proposé d’organiser « une année franco-chinoise de la transition écologique » en 2018-2019. Il a invité le président chinois, Xi Jinping, qu’il devait rencontrer à Pékin en fin de journée, à participer à l’effort de construction d’un droit international pour l’environnement proposé par la France aux Nations unies.

« Etoffe de soie »

« Avançons ensemble sur ce projet pour le faire aboutir d’ici à 2020 », a-t-il proposé. « Le monde aujourd’hui est une étoffe de soie. Il est précieux, fragile, délicat, il faut du temps pour en fabriquer l’unique texture », a rappelé le président français au sujet des crises qui guettent le monde d’aujourd’hui, des dérives autoritaires à un « capitalisme contemporain débordé par ses propres excès », en passant par la prolifération nucléaire.

Porteur d’une « renaissance » française et européenne, M. Macron fait face à la Chine déroutante de M. Xi, l’homme du « rêve chinois ». Originaire de cette terre jaune du Shaanxi qui a forgé son caractère pendant la Révolution culturelle, ce dernier incarne les paradoxes de la Chine actuelle : homme du recentrage sur les valeurs communistes mais aussi traditionnelles chinoises, il est à la tête d’une Chine du progrès technologique et du train à grande vitesse et porte le projet des « Nouvelles Routes de la soie », avec lequel l’Europe et toute la planète doivent compter.

Ce vaste programme d’infrastructures et d’équipements que la Chine ambitionne d’aménager sur l’ensemble de la planète doit être pris au sérieux, a insisté M. Macron. Le président français a appelé à construire des « routes en partage », qui ne « soient pas univoques », mais « un symbole de justice », « d’équité » et de respect de l’environnement. M. Macron a ainsi appelé à ce que la Chine, tout au long des pays traversés, joue jusqu’au bout le jeu des principes posés par le G20 en matière d’accès aux marchés publics, ou de respect de la propriété intellectuelle.

« Esprit de réciprocité »

Surtout, ces « routes de l’intelligence » doivent être bâties dans « un esprit de réciprocité ». « Elles ne peuvent pas être des routes d’une nouvelle hégémonie, qui mettent en état de vassalité les pays qu’elles traversent », a souligné le président français. Alors que Pékin est très présent en Afrique, M. Macron a invité la Chine à tirer les leçons des erreurs du passé colonial sur ce continent pour y porter, avec la France, un nouvel équilibre.

Avant cette harangue, M. Macron, accompagné de son épouse, Brigitte, s’est vu offrir à Xi’an un parcours éclectique, empreint d’histoire et de métissage culturel. Transporté en limousine Hongqi ou « drapeau rouge », la marque des chefs d’Etat chinois, le couple présidentiel a découvert, sous un beau soleil d’hiver, les célèbres statues de soldats de terre cuite ensevelies du premier empereur de Chine au IIIe siècle avant Jésus-Christ.

Comme ses prédécesseurs François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avant lui, M. Macron a observé ce puzzle archéologique, reconstitué à partir de ruines découvertes à la fin des années 1970 sous des dizaines de mètres de terre et de charpente. Lors de son discours, M. Macron s’est félicité de la nouvelle coopération franco-chinoise sur le patrimoine qui démarre avec la province du Shaanxi. « Nous sommes la mémoire du monde, il nous appartient de décider d’en être l’avenir », a-t-il lancé.

La suite de la visite a donné lieu à une mise en scène de la diversité culturelle et religieuse chinoise, eu égard au contrôle extrême auquel est soumise dans ce pays, et particulièrement sous Xi Jinping, la pratique religieuse. M. et Mme Macron ont d’abord été accueillis par des moines bouddhistes dans la « grande pagode de l’oie sauvage », dont ils ont visité les différents pavillons et jardins. Puis par un imam de la grande mosquée de Xi’an, qui date du VIIIe siècle et rappelle le rôle clé de la ville et de sa communauté musulmane, des Chinois de l’ethnie Hui, dans les anciennes routes de la soie.