A Türkmenbashi, dans l’ouest du Turkménistan, le 4 avril 2017. / LAIKA AC/CC BY-SA 2.0

A Achgabat, la capitale turkmène, les voitures de couleur sombre disparaissent. Pour récupérer leurs biens, confisqués par les autorités sur les parkings et emmenés en fourrière, leurs malheureux propriétaires doivent produire un document établi par un garagiste selon lequel ils s’engagent à repeindre leurs véhicules d’une couleur claire « blanche ou argentée ». Aucune loi, ni aucun décret, n’a pourtant entériné la mesure ubuesque qui a filtré à l’extérieur début janvier grâce à des sites étrangers ou hors sol. Le Turkménistan, ex-République soviétique d’Asie centrale, est dirigé depuis 2006 par Gourbangouli Berdimoukhamedov, un autocrate qui aime le blanc et ne tolère aucune voix dissidente.

Selon des témoignages recueillis le 29 décembre 2017 par Azatlyk, la station privée membre du réseau Radio Liberty et financée par le Congrès américain, le nouveau code couleur infligé sur les routes impliquerait des « dépenses considérables » pour les 5 millions d’habitants de ce petit pays situé au bord de la mer Caspienne et cerné par l’Afghanistan, l’Iran, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.

« Cela coûte 7 000 manats [1 677 euros] et d’ici peu le prix augmentera à 11 000 manats, soit mon revenu annuel », déplorait ainsi un résident d’Achgabat, dont le véhicule avait été embarqué la veille. Le 6 janvier, le site Chroniques du Turkménistan a pour sa part affirmé que les exigences des autorités s’étendaient désormais aux véhicules de couleur bleue, rouge ou verte.

Interdictions des vitres teintées et des gris-gris

Ces restrictions, qui s’ajoutent à de sérieuses difficultés économiques, viennent renforcer un arsenal absurde du code de conduite déjà en application. En 2014, les vitres teintées et pare-soleil noirs ont été bannis. En 2015, l’importation de voitures noires a été interdite. Et en octobre 2017, la police routière s’est mise à arrêter les voitures munies de gris-gris que l’on trouve partout dans le monde accrochés aux rétroviseurs. Les conducteurs devaient enlever ces attributs.

Début janvier toujours, une autre loi officieuse est entrée en vigueur, interdisant aux femmes de prendre le volant, sous peine de voir leur véhicule et leur permis de conduite confisqués. Alors qu’en septembre 2017, l’Arabie saoudite a levé l’interdiction faite aux femmes de conduire, le Turkménistan enclenche la marche arrière, devenant ainsi le dernier pays à proscrire la conduite féminine.

Une source du site Informations alternatives du Turkménistan diffusé en russe rapporte que le 5 décembre 2017, le ministre de l’intérieur, Iskander Moulikov, avait commenté des statistiques « officielles » qui rendaient les « femmes responsables de la majorité des accidents de la route » dans le pays. Le président lui aurait alors donné pour mission de « régler le problème ».