Timothée Herman, jeune producteur laitier à Rânes (Orne), installé avec ses parents. / Antonin Sabot / Le Monde

Les ingénieurs agronomes se mettent au vert : l’Institut polytechnique UniLaSalle et l’Ecole des métiers de l’environnement (EME) ont décidé d’entamer un processus de fusion. Installés à Beauvais, Rouen et Rennes, ces deux écoles d’ingénieurs associatives, reconnues d’intérêt général, annonceront les termes de leur rapprochement jeudi 11 janvier, lors d’une série de conférences de presse.

La première est notamment spécialisée dans l’agronomie et les agro-industries de l’alimentation, de la santé, de la géologie et de l’environnement. L’EME, de son côté, forme aux compétences du développement durable, de l’économie circulaire, de l’éco-conception, des techniques de dépollution, de l’écologie industrielle ou des énergies renouvelables.

Cette alliance reflète une réflexion et un mouvement largement entamé, et qui, selon une note publiée en décembre 2017 par le ministère de l’agriculture, va s’amplifier. Cette note dresse en effet « quatre scénarios d’ici à 2030 » pour les métiers, qualifications et emplois liés à l’enseignement agricole, dans le prolongement d’un rapport sur le même thème publié en octobre 2017.

Avec ses 210 000 élèves, étudiants, apprentis et ses 245 00 stagiaires en formation continue répartis dans 800 établissements publics et privés, l’enseignement agricole va devoir s’adapter aux mutations à venir d’ici à 2030, en prenant en compte le développement des métiers « verts », malgré de sérieuses inconnues sur l’évolution de l’agriculture, indique la note du ministère. « Le soutien au verdissement de l’économie influera sur les métiers et le marché de l’emploi. (…) Le développement des métiers verts ou verdissants aura des conséquences sur l’intégration du thème de l’environnement dans les formations initiales », souligne-t-elle.

Quatre scénarios d’ici à 2030

Le ministère présente « quatre scénarios » très contrastés d’évolution de l’agriculture et de la ruralité d’ici à 2030. Deux d’entre-eux plantent un décor « optimiste » en matière d’emploi pour l’avenir des zones rurales. Le premier, qui table sur une poursuite de la décentralisation et un investissement des régions, est intitulé « Accompagnement des transitions, pluri-compétences et verdissement ». Il table sur le développement d’une « nouvelle économie » dans les territoires ruraux et les villes moyennes autour de l’alimentation durable, du développement de l’agriculture de proximité, ou biologique, l’agro-écologie, le recyclage, la bio-industrie, et les énergies renouvelables.

Celle-ci se développerait « autour d’un tissu dense d’industries petites et moyennes, structuré par l’écologie industrielle et l’économie circulaire ». Dans une telle hypothèse, les emplois dans le secteur agricole et forestier « résistent d’autant plus que les modes de production intensifs en main-d’œuvre gagnent du terrain », souligne la note.

Un autre scénario, également optimiste, appelé « Collaboration et partage, silver économie et mutualisation des compétences », se révélerait également favorable l’emploi. Il envisage que les villes, ayant absorbé les zones périurbaines, y intègrent davantage d’espaces agricoles : fermes urbaines, jardins collectifs, chantiers agricoles d’insertion… Parallèlement, des activités connexes se développeraient autour de pôles de compétitivité dédiés à la bio économie (énergie et matériaux), à la fabrication, aux biotechnologies… ainsi que des services à la personne.

Dans ce scénario, prévient la note, « les conflits d’usage entre groupes sociaux (urbains/ruraux, agriculteurs/touristes, forestiers/protecteurs de l’environnement, etc.) sont fréquents, mobilisant des compétences en médiation et en droit ». Mais les enjeux autour de l’environnement étant « omniprésents », ils induiraient aussi un « verdissement des activités et des métiers ».

Les deux derniers scénarios sont plus pessimistes pour l’emploi agricole et en zone rurale. L’un envisage « un marché de l’emploi régionalisé et “ubérisé”, alliant expertise et débrouillardise » où les industries agroalimentaires de transformation et les plates-formes numériques pèsent sur les producteurs agricoles. La société est marquée par de fortes inégalités. Deux types d’exploitations coexistent : des grandes, pluri-spécialisées, avec des apports externes de main-d’œuvre, et des exploitations « à taille humaine » en circuits courts. Si « les compétences liées à l’automatisation, la robotique, l’intelligence artificielle et l’analyse des données sont valorisées », en revanche, dans cette hypothèse, « l’agriculture et l’agroalimentaire continuent de perdre des effectifs », prévoit la note.

Enfin, un dernier scénario appelé « La compétitivité par la robotisation, la bipolarisation et l’individualisme » dessine une fracture sociale accrue. Un « réinvestissement du rural » par les urbains, servis par « la tertiarisation de l’économie et le télétravail », passerait ainsi par « la robotisation, la spécialisation des régions, et des inégalités territoriales croissantes ». « Face au coût élevé du foncier, l’agriculture se banalise : les capitaux extérieurs prennent le relais des capitaux familiaux, les exploitations sous statut sociétaire classique (SA SARL) s’imposent », prévoit l’étude. Conséquence : « la baisse des emplois agricoles et industriels s’amplifie sous la pression de la mondialisation », note l’étude. En revanche, « partout les compétences en numérique, robotique et intelligence artificielle sont en tension ».

L’avenir reste donc à inventer. Soit avec les deux premières hypothèses qui « constituent un cadre positif pour réfléchir aux transformations à conduire sur l’enseignement agricole dans les prochaines années », explique Muriel Mahé, auteure de la note pour le centre d’études et de prospective du ministère. A l’inverse, les deux autres scénarios « décrivent des futurs » que le groupe de travail d’une trentaine d’experts qui a planché avec le ministère, « a jugé non souhaitables ».

Participez à « O21 / S’orienter au 21e siècle »

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions lors du choix des études supérieures, Le Monde organise la seconde saison d’« O21 / S’orienter au 21e siècle », avec cinq dates : après Nancy (vendredi 1er et samedi 2 décembre 2017, au centre Prouvé), rendez-vous à Lille (vendredi 19 et samedi 20 janvier 2018, à Lilliad), à Nantes (vendredi 16 et samedi 17 février 2018, à la Cité des congrès), à Cenon, près de Bordeaux (vendredi 2 et samedi 3 mars 2018, au Rocher de Palmer) et à Paris (samedi 17 et dimanche 18 mars 2018, à la Cité des sciences et de l’industrie).

Dans chaque ville, les conférences permettront au public de bénéficier des analyses et des conseils, en vidéo, d’acteurs et d’experts, et d’écouter et d’échanger avec des acteurs locaux innovants : responsables d’établissements d’universités et de grandes écoles, chefs d’entreprises et de start-up, jeunes diplômés, etc. Des ateliers sont aussi prévus.

Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire à Lille ! Pour toutes les villes, les inscriptions se font gratuitement via ce lien.

En images : les temps forts d’O21, nos conférences pour s’orienter au 21e siècle, à Nancy

Pour inscrire un groupe de participants, merci d’envoyer un e-mail à education-O21@lemonde.fr. L’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les lycées peuvent organiser la venue de leurs élèves durant le temps scolaire.