Des Sud-Coréens pleurent alors qu’ils disent adieu à des proches nord-coréens, lors d’une réunion des familles sud et nord-coréennes, en octobre 2015. / KPPA / AFP

Ce pourrait être un nouveau signe quatre ans après la dernière rencontre. La Corée du Nord et la Corée du Sud ont annoncé, mardi 9 janvier, dans un communiqué commun, que « la partie nord-coréenne [allait] envoyer une délégation du Comité olympique national, des athlètes, des pom-pom girls, un groupe d’artistes, une équipe de démonstration de taekwondo et un service de presse » aux prochains Jeux olympiques d’hiver, qui se tiendront à Pyeongchang, en Corée du Sud. L’occasion pour Séoul de demander que soit organisée parallèlement aux jeux d’hiver une nouvelle réunion des familles séparées par la guerre (1950-1953).

  • Depuis quand ces réunions sont-elles possibles ?

Dès les années 1970 et les premières tentatives de rapprochement entre les deux Corées, la possibilité de réunions de familles divisées est envisagée. En 1972, le Nord et le Sud établissent un communiqué conjoint qui pose les fondements d’une volonté commune de réunification. Mais il faudra attendre près de 30 ans pour qu’il soit possible pour les habitants du Sud et ceux du Nord de se retrouver en famille.

Le 15 juin 2000, un sommet est organisé entre les deux Corées : Kim Dae-jung, président de la République de Corée (du Sud), est reçu à Pyongyang par Kim Jong-il, le leader de la République populaire démocratique de Corée (du Nord). Une déclaration conjointe est signée durant cette rencontre ; elle instaure pour la première fois la possibilité pour les familles de se retrouver.

Entre 2000 et 2007, seize rencontres sont organisées sur un rythme d’environ deux à trois rencontres par an. Elles se font lors de réunions physiques, mais aussi par des appels vidéos. « Les rencontres vidéos ont été utilisées à quatre reprises entre 2005 et 2006 », explique Valérie Gelézeau, maîtresse de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et géographe spécialiste de la Corée. « Ensuite le rythme des réunions s’est tari » : une rencontre en 2009, puis en 2010 et enfin deux rencontres ont été organisées en 2014 et 2015. Si la demande de Séoul d’une réunion des familles lors des Jeux olympiques était confirmée, ce serait la 21e depuis 2000.

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  • Où se passent les rencontres ?

La totalité des rencontres entre les familles nord et sud-coréennes s’est passée sur le sol nord-coréen, en particulier au sein des installations touristiques des monts Kumgang, près de la frontière. Ce lieu est très symbolique pour les deux pays. « Ces installations ont été développées par les Sud-Coréens, et c’est un symbole du rapprochement des deux nations », explique Valérie Gelézeau.

De plus, les monts Kumgang « sont très importants dans l’histoire culturelle des deux Corées ». Erigées durant la « politique du rayon de soleil » (du nom de la politique menée par la Corée du Sud avec la Corée du Nord entre 1998 et 2003 et qui avait pour vocation la coopération entre les deux pays), ces infrastructures ont été conçues pour accueillir des touristes venus du Sud.

  • Comment se passent-elles ?

Ces rencontres n’ont rien de spontané. Elles sont orchestrées en amont par les deux pays. « Les rencontres durent en tout une petite semaine, même si la rencontre entre les familles dure à proprement dit trois jours. Les familles sont briefées et préparées », détaille Valérie Gelézeau. Deux délégations de cent personnes, du Nord et du Sud, tirées au sort après avoir postulé, se retrouvent. Les candidats sont nombreux : « Il y a environ 60 000 personnes sur liste d’attente en Corée du Sud. »

L’événement, qui a bien évidemment une forte portée symbolique, est « très médiatisé ». « Les rencontres sont toujours collectives, et elles sont filmées et surveillées par les deux bords », explique encore Valérie Gelézeau. Une seule réunion privée est organisée pour les familles et elle ne peut durer que deux heures.

C’est évidemment un moment très fort pour les familles. Les Coréens attendent très longtemps pour voir des proches qu’ils n’ont pas vus depuis plusieurs décennies, et parfois même jamais connus.

  • Sont-elles le signe d’un réchauffement des relations ?

Les relations entre les deux Corées interviennent sur un mode cyclique, ponctué de crises et de périodes de rapprochement. Ces rencontres « ne sont pas rarissimes », mais elles représentent tout de même « un des plus forts symboles du rapprochement » des deux pays. Pour autant, pour Valérie Gelézeau, « il ne faut pas oublier le contexte politique actuel, avec l’élection en 2017 du nouveau président sud-coréen Moon Jae-in, qui se place en opposition aux deux administrations précédentes. Cette initiative fait partie de son programme politique. » Selon elle, ces rencontres représentent autant l’envie d’une réunification que « le symbole de la division et de la douleur de cette division ».

Un symbole fort, donc, mais qui ne présage pas forcément des relations intercoréennes futures. « C’est une manière pour la Corée du Sud de profiter du contexte apaisant des Jeux olympiques pour ouvrir un dialogue », estime Valérie Gelézeau.

Retrouvailles ​émouvantes entre des familles coréennes du nord et du sud
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