Le Pimkie de Villeneuve d’Ascq, le 8 janvier 2018. / DENIS CHARLET / AFP

Le couperet est tombé lundi 8 janvier dans l’après-midi. Lors d’un comité central d’entreprise (CCE) au siège social de Pimkie, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), les salariés de la marque de prêt-à-porter féminin ont appris de quelle façon leur direction souhaitait restructurer le groupe. L’enseigne de la galaxie Mulliez souhaite recourir à la rupture conventionnelle collective (RCC) pour supprimer 208 emplois sur les 1 900 que compte Pimkie en France (5 200 salariés dans le monde). Une première, qui ne va pas de soi : la CGT et Force ouvrière, majoritaires dans l’entreprise, n’y sont pas favorables.

Dès le 19 décembre 2017, veille de la promulgation par le gouvernement des deux décrets d’application de ce dispositif, la direction de Pimkie avait annoncé en comité d’entreprise son souhait de l’utiliser. Sur la base du volontariat, la RCC concernerait 41 postes en logistique et 84 postes au siège international ainsi que dans les fonctions supports de France, Belgique et Luxembourg (à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord).

Pimkie souhaite aussi fermer en France 37 magasins déficitaires : « En cas de fermeture, une clause de mobilité s’appliquerait pour certains salariés afin de leur permettre d’occuper un poste équivalent à proximité, et 83 postes seraient concernés par la RCC », a précisé la direction.

« Je suis déçue, dégoûtée. Ils se moquent de nous », livre, émue, Isabelle Laubouet, 52 ans, dont 27 passés à Pimkie. Cette déléguée du personnel, vendeuse à Rennes, venue dans le Nord pour assister au CCE, est en colère : « Des filles se donnent à fond pour des petits salaires, et on va les licencier. Et ce n’est que le début de la première vague. » Les salariés n’ont pas oublié la morosité des fêtes de Noël 2009 : trois semaines de grève n’avaient pas permis d’éviter le licenciement de 190 personnes dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

« Un PSE caché »

Qu’en sera-t-il cette fois ? Licenciements ou ruptures conventionnelles ? En milieu de journée, la question ne se posait déjà plus pour FO et la CGT. « On est écœurés par ces annonces, lance Valérie Pringuez, secrétaire CGT du CE. On nous parle de volontariat pour les départs, mais des salariés ne pourront pas être reclassés, il s’agit d’un PSE caché ! En CCE, il y a eu des menaces pour dire que si l’on n’acceptait pas les ruptures conventionnelles collectives, il n’y aurait pas de plan de départs volontaires, mais un PSE. » Pour ces syndicats, majoritaires à eux deux, pas question d’accepter cette RCC. Ils préfèrent négocier un PSE pour permettre aux salariés d’obtenir un congé de reclassement, « une nécessité », selon eux.

Guy Bouquet, représentant de la CFE-CGC Pimkie, ne ferme pas complètement la porte à la RCC. « C’est le choc, surtout pour la fermeture des 37 magasins et le nombre important de départs en logistique, 41 sur 108, dit-il. Mais on attend les propositions de la direction pour voir si on continue les négociations. » Pour cette organisation, qui représente principalement les agents de maîtrise et les cadres, la RCC pose notamment un problème de carence dans la couverture de Pôle emploi (150 jours en cas de RCC contre 75 en cas de PSE) et de reclassement.

Les négociations devaient s’ouvrir mardi à 14 heures. Les quatre syndicats (CGT, CFE-CGC, FO, CFDT) ont demandé à se faire assister par un expert-comptable externe indépendant. « Pour nous, le chiffre d’affaires se tient, estime Mme Pringuez, de la CGT. Pimkie scie la branche sur laquelle elle se trouve en faisant payer aux salariés français les mauvais résultats du groupe en Allemagne, Espagne et Italie. »

A l’international, 131 magasins devraient fermer, dont 44 en Allemagne, 17 en Italie et 10 en Belgique. La marque lancée à Lille en 1971 compte 754 magasins, pour l’essentiel en Europe occidentale, dont 321 en France, 150 en Allemagne, 120 en Espagne, 100 en Italie et 30 en Belgique. Depuis 2015, Pimkie présente des résultats déficitaires et un chiffre d’affaires 2017 en baisse de 10 % par rapport à l’année précédente, sur fond de concurrence accrue des champions du commerce en ligne. « Il est de notre responsabilité de prendre des décisions difficiles », a souligné Eric Foucault, le directeur général délégué de Pimkie, qui met en avant des avantages de la RCC par rapport au PSE : les départs se font sur la base du volontariat, la réorganisation de l’entreprise peut être rapide (deux mois contre six) et, si les résultats se redressent rapidement, l’entreprise pourra embaucher à nouveau.