Cela s’apparente à un parcours de saut d’obstacles avant le marathon. Le mois de janvier exige une certaine endurance des dirigeants socialistes, obligés de décider dans les prochains jours qui d’entre eux seront candidats à la tête du parti. La ligne d’arrivée est proche : ils ont jusqu’au 27 janvier pour se déclarer et présenter un « texte d’orientation ». Ensuite, il faudra se remettre en selle et faire campagne jusqu’au 29 mars, date de l’élection du premier secrétaire.

Au fil de ce calendrier qui se resserre, les ambitions se font de plus en plus nettes. D’autant que la course a connu une subite accélération après la trêve des confiseurs. Dès le 3 janvier, Najat Vallaud-Belkacem, qui était pressentie pour déposer une candidature, a préféré prendre du recul et se tourner vers le monde de l’édition. Il est peu de dire que son renoncement rebat les cartes et débloque bien des retenues.

Des membres du courant dit majoritaire du PS, issu du dernier congrès de Poitiers, en 2015, doivent se réunir mardi 9 janvier au soir pour discuter du sujet brûlant du moment : la préparation du congrès. Lors d’une précédente entrevue, le 12 décembre, ils avaient adhéré au principe d’une candidature commune. Mais la décision de Mme Vallaud-Belkacem de jeter l’éponge alors qu’elle faisait figure de prétendante la mieux placée pourrait contrecarrer ce schéma initial. Et plusieurs d’entre eux se verraient désormais volontiers reprendre le flambeau.

Le député socialiste Olivier Faure lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, à Paris, le 22 juin 2017. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Le patron du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée, Olivier Faure, pourrait faire un pas mardi soir devant ses camarades. Il avait prévenu à l’automne que le groupe informel dit des « quadras » du PS, dont il fait partie et qui réunit une quinzaine de personnalités, désignerait un représentant pour le congrès. Mme Vallaud-Belkacem hors jeu, il est désormais le plus fréquemment cité pour endosser le rôle.

Le coordinateur du parti et actuel numéro un par intérim, Rachid Temal, a aussi avancé un pion vendredi sur Sud Radio. « Ma candidature n’est pas impossible, a-t-il déclaré, mais elle ne serait valable (…) que si jamais je proposais un projet concret », refusant de se prononcer davantage pour l’heure.

Certaines réclament un « big bang »

Dimanche, c’est Julien Dray qui a lancé un ballon d’essai. Etre candidat ? « J’y pense, pas simplement en me rasant », a-t-il répondu dans l’émission « Questions politiques » de France Inter, France Info et Le Monde. Le conseiller régional d’Ile-de-France n’a pas souhaité en dire plus, assurant qu’il allait, « dans les jours qui viennent », « écrire et proposer » et voir à partir de là « si on peut construire une équipe, une collégialité, une envie ». Cette déclaration d’intention a provoqué quelques haussements de sourcil au sein du parti. « Julien est dans tous les coups depuis plus de trente ans, soupire un élu. Pense-t-il sérieusement que rien n’est possible sans lui ? Se rend-il compte de l’image qu’il renvoie ? »

Le député socialiste Stéphane Le Foll à Paris, le 30 septembre. / ERIC FEFERBERG / AFP

L’ancien ministre Stéphane Le Foll, lui, a ménagé le suspens. Mais il est arrivé au bout de la réflexion qu’il mène depuis novembre – il avait alors successivement publié un texte et réuni ses troupes lors d’un événement public à Paris. Encore récemment, il expliquait ne pas être « dans une volonté d’aller dans une bagarre idiote » de personnes pour la tête du parti. Il a finalement annoncé sa candidature dans un entretien au quotidien La Maine libre du mardi 9 janvier.

« Le concret ne s’invente pas dans les couloirs de Solférino »
Sébastien Vincini, premier secrétaire fédéral du PS en Haute-Garonne

Le député de la Sarthe est mis au défi de rassembler largement dans sa famille. Estampillé « hollandais » de la première heure, soupçonné de trop grande bienveillance avec Emmanuel Macron depuis qu’il a été élu sans candidat En marche ! face à lui aux législatives, M. Le Foll souffre d’une certaine méfiance au PS.

Face à cette recrudescence, des cadres s’alarment. Emmenés par le premier secrétaire fédéral de Haute-Garonne, Sébastien Vincini, plusieurs personnalités dont la députée Valérie Rabault ou le chef du PS parisien Emmanuel Grégoire ont signé ce week-end un « manifeste pour un progrès partagé ». « Il faut sortir des salons et des cafés du 7e arrondissement de Paris », estime M. Vincini, qui réclame un « big bang dans l’organisation du parti » pour que soient mieux écoutés les territoires.

Deux autres candidatures certaines

« Le concret ne s’invente pas dans les couloirs de Solférino », poursuit-il, sûr que les régions peuvent faire émerger « des nouveaux visages et des orientations davantage en prise avec la réalité ». Le dirigeant de Haute-Garonne n’est « pas candidat à la tête du parti », mais bien décidé à pousser cette voix jusqu’au congrès, que ce soit à travers une motion ou derrière un candidat qui portera ces idées.

Dans cet océan d’indétermination, il y a au moins deux autres candidatures certaines : celles de Luc Carvounas et d’Emmanuel Maurel. Le premier, député du Val-de-Marne, s’est lancé tôt, fin novembre, et attend depuis de connaître ses adversaires. Ancien vallsiste, il a rompu les liens avec l’ancien premier ministre il y a plus d’un an et prône une stratégie de la « gauche arc-en-ciel » en discutant avec l’ensemble de la gauche.

Le second, député européen, est en train de peaufiner les contours de son texte d’orientation mais « ce n’est pas un grand secret, je serai candidat », déclare-t-il. Cette figure de l’aile gauche du parti assure que sa motion dépassera les frontières traditionnelles de son courant et comportera des signataires « élus territoriaux et cadres intermédiaires ». Le tout autour d’une ligne « républicaine, antilibérale et écologiste ». Il devrait présenter un premier texte avec quelques grands axes de campagne au cours de cette semaine qui devrait décidément être déterminante pour l’esquisse de l’avenir proche du PS.