Matt Damon dans le film « Downsizing » de Alexander Payne. / PARAMOUNT PICTURES FRANCE

L’avis du « Monde » - A ne pas manquer

Ce n’est peut-être pas une bonne idée que de commencer cette incitation à aller voir Downsizing en s’interrogeant sur les raisons de l’échec commercial du film aux Etats-Unis. Mais on peut penser que les raisons de cette ­désaffection constituent les qualités ­mêmes de ce film hors du commun. L’auteur de Nebraska disposait cette fois d’une star – Matt Damon –, de seconds rôles de luxe – Christoph Waltz, Kristen Wiig – et d’un budget confortable qui lui a permis de spectaculaires effets spéciaux. Et ses compatriotes l’ont boudé. On peut y voir un symptôme de l’allergie du public américain à l’originalité de la forme, au pessimisme – lucide et souriant – du propos.

Les méandres imprévisibles du parcours de Paul Safranek (Matt Damon), son pauvre héros, le font passer non seulement du Nebraska à la Norvège, mais encore de la satire de la vie banlieusarde à l’anticipation apocalyptique. La forme asymétrique, sinon de guingois, de cet édifice a une raison d’être : la résurrection du conte philosophique (plutôt du côté de Swift que de Voltaire) sous forme de spectacle cinématographique.

Safranek vit dans notre monde, celui qui voit venir sa fin, combinaison de surpopulation et d’épuisement des ressources. Plus que d’apocalypse, Paul et son épouse Audrey (Kristen Wiig) se préoccupent de mener à bien un projet immobilier. Ils sont de ceux à qui il manque toujours 20 000 dollars.

Ruptures de ton

Or, comme nous l’a appris un long prologue burlesque, une équipe de chercheurs norvégiens a mis au point un processus qui permet de miniaturiser les êtres vivants – un humain passera ainsi de 1,80 m à 12 cm, afin de diminuer la pression sur les ressources naturelles. Les Safranek y voient la possibilité de vivre enfin dans une de ces demeures à colonnades en matériaux bon marché surnommées « McMansions ». Après avoir visité une maison de poupée témoin (dont la visite est conduite par le duo Laura Dern-Neil Patrick Harris qui porte le film à son apogée comique), le couple décide de sauter le pas.

Un trio parfaitement accordé : Matt Damon, Christoph Waltz et l’étonnante Hong Chau

Mais ce plan de l’homme-souris tourne à l’aigre. Paul Safranek doit plonger dans les entrailles du monde parfait et miniaturisé qu’il a choisi. Très progressivement, sans jamais renoncer à un seul des gags que la logique du récit autorise, Alexander Payne et son coscénariste, Jim Taylor, abandonnent le rythme burlesque des séquences d’ouverture pour placer leur héros devant une série de choix, l’obligeant à trancher entre la conformité à la norme et sa qualité d’être humain. Dans cette quête – que l’annonce d’une prochaine apocalypse rend à la fois urgente et absurde –, on croisera un sympathique escroc venu des Balkans (Christoph Waltz) et Ngoc Lan Tran (Hong Chau), une Vietnamienne qui a été miniaturisée de force par le gouvernement de son pays pour avoir protesté contre des projets nuisant à l’environnement.

La mise en scène de Payne colle à ces ruptures de ton, avec cette faculté à installer une familiarité immédiate avec les personnages. Le cinéaste prend aussi un plaisir manifeste à passer de temps à autre à un format plus ample, comme quand il met en scène la communauté des démunis du monde miniature, logée dans un conteneur. De cette polyphonie émerge un trio parfaitement accordé : Matt Damon, brave type un peu lâche forcé à l’héroïsme, Christoph Waltz, qui saurait jouer une canaille dans son sommeil, et l’étonnante Hong Chau, incarnation d’un principe vital humain que célèbre Alexander Payne entre élégie et lueur d’espoir.

DOWNSIZING - Bande-annonce Finale (VOST) [au cinéma le 10 janvier 2018]
Durée : 02:31

Film américain d’Alexander Payne, avec Matt Damon, Christoph Waltz, Hong Chau, Kristen Wiig (2 h 15). Sur le web : www.paramountpictures.fr/film/downsizing, www.facebook.com/Downsizing.FR

Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 10 janvier)

Nous n’avons pas pu voir

  • La Monnaie de leur pièce, film français d’Anne Le Ny
  • Les films de l’été : Rien sauf l’été et le film de l’été, film français et belge de Claude Schmitz et Emmanuel Marre
  • Une aventure théâtrale, 30 ans de décentralisation, documentaire français de Daniel Cling