La Ruche, construite de 1892 à 1896 à Saint-Denis, a été la première réalisation d’Habitat à bon marché (HBM) en France. / ERIC PIERMONT / AFP

Tous les trois ans depuis 2002, la Fondation Abbé Pierre (FAP) dévoile son palmarès des mauvais élèves du logement social, c’est-à-dire les villes qui ne remplissent pas leur obligation de créer des HLM, comme les y oblige la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000. Cette loi ne s’applique qu’à 1 152 communes de grandes agglomérations (+ de 50 000 habitants) qui doivent toutes, d’ici 2025, faire en sorte qu’un quart de leur parc de résidences principales soit des HLM, en respectant des objectifs chiffrés, de trois ans en trois ans.

Le quatrième bilan triennal 2014-2016 vient d’être dressé par le gouvernement. Par la voix de Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, l’exécutif a passé aux préfets des consignes de fermeté et demandé de sanctionner 269 villes. La FAP ajoute, mercredi 10 janvier, ses observations d’acteur de la lutte contre le mal logement.

Le résultat est en demi-teinte, puisque 649 municipalités ne sont pas parvenues à remplir leur quota, dont 281 n’en ont pas même atteint la moitié, dans l’ensemble de petites communes, surtout sur la Côte d’Azur, et tout de même neuf grandes villes : Cannes (Alpes-Maritimes), par exemple, ne réalise que 9 % de son programme, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) 15 %, Saint-Raphaël (Var) 16 %, Le Cannet (Alpes-Maritimes) 17 %, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) 24 %, Marignane (Bouches-du-Rhône) 26 %, Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) 34 %, Nice (Alpes-Maritimes) et Vincennes (Val-de-Marne) 36 %.

« La loi SRU, constamment attaquée, est tout de même utile et efficace, juge Manuel Domergue, directeur des études à la FAP. Elle a permis de construire 187 000 logements sociaux entre 2014 et 2016, un chiffre qui monte en puissance depuis 2002 : parti de 87 000 logements entre 2002 et 2004, puis 95 000 de 2005 à 2007, 130 000 de 2008 à 2010 et 140 000 de 2011 à 2013. »

Faire régresser leur parc social

Une poignée de municipalités persistent à refuser la mixité sociale : la Fondation Abbé Pierre en a identifié une quinzaine « multirécidivistes », qui n’ont jamais satisfait aucun bilan et ont toujours été décrétées en carence par le préfet. On retrouve des villes aisées, comme, en Ile-de-France, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Le Vésinet (Yvelines), Saint-Maur-des-Fossés et sa voisine, Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne), dans les Alpes-Maritimes, Tourrettes-sur-Loup… La palme de la mauvaise volonté revient à Chazay-d’Azergues, dans la banlieue de Lyon (Rhône), qui n’a, à l’issue de chaque période triennale depuis 17 ans et avec une désolante constance, jamais dépassé les 5 % de réalisation d’objectif.

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La Fondation Abbé Pierre ne cache pas non plus son irritation envers les communes qui ne décident de construire que du HLM de haut de gamme, en réalité du logement intermédiaire inaccessible aux familles modestes qui en ont pourtant cruellement besoin : Soucieu-en-Jarrest (Rhône) ou encore, dans les Yvelines, Jouy-en-Josas et Saint-Rémy-lès-Chevreuse. La loi Duflot de mobilisation foncière (du 18 janvier 2013) a d’ailleurs corrigé cette lacune de la loi SRU en imposant, au sein de la production, 30 % de logements très sociaux et pas plus de 30 % d’intermédiaire.

Enfin, seize communes réalisent le tour de force de faire régresser leur parc social, que ce soit par des démolitions ou en construisant beaucoup de logements privés qui font mécaniquement baisser la proportion du parc social : « C’est la preuve que certains maires, prétextant l’absence de foncier pour faire du logement social, en trouvent pour la promotion privée », argumente Manuel Domergue. Ainsi, Bures-sur-Yvette (Yvelines) a, entre 2007 et 2015, construit 36 logements sociaux et 316 logements privés ; Le Castellet (Var) n’a, dans la même période, construit aucun HLM et 185 logements privés ; Mimet (Bouches-du-Rhône), réputée pour son hostilité au logement social, n’en a construit que 5 contre 159 logements privés, adressant à chaque membre de la commission de contrôle un épais dossier expliquant à quel point elle ne peut rien construire sur son territoire… Pélissanne (Bouches-du-Rhône) a bien bâti 118 logements sociaux, mais 551 privés.