Emmanuel Macron et Xi Jinping au Grand Palais du peuple, à Pékin, le 9 janvier. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Pour sa première visite d’Etat en Chine, qui s’est achevée mercredi 10 janvier, Emmanuel Macron n’a cessé d’invoquer durant trois jours la nouvelle ère qu’il a l’intention d’ouvrir dans les relations franco-chinoises. « Nous avons entre nous une concordance des temps : la France a voté en mai pour cinq ans, comme le 19e congrès du Parti communiste chinois en octobre », a résumé le président français lors de sa déclaration conjointe avec son homologue chinois Xi Jinping, mardi au Grand Palais du peuple, à Pékin.

M. Macron espère profiter de cette concomitance des quinquennats français et chinois pour s’imposer comme un interlocuteur-clé pour Pékin. Sur place, il a tenté d’apparaître comme un chef d’Etat capable de prendre le leadership européen, notamment dans le rapport de la France et de l’Europe à l’ambitieux projet chinois des « nouvelles routes de la soie », mais aussi comme un PDG venu vendre en Asie les atouts de l’entreprise France.

D’un côté, accompagné par son épouse Brigitte Macron, populaire en Chine, il a célébré, en visitant la Cité interdite dans la capitale ou l’armée de terre cuite à Xi’an, les longs destins croisés des deux pays, évoquant la pensée taoïste, mais aussi la diaspora chinoise en France, sans oublier cette description de la Chine par le général de Gaulle : « un Etat plus vieux que l’Histoire ».

M. Macron a su habilement manier les symboles : l’offre au président Xi Jinping d’un cheval de la garde républicaine fonde le premier geste d’une diplomatie équestre qui répondrait à celle, habilement menée par la Chine, du panda. Comme pour l’animal fétiche chinois, il faudra à la Chine respecter tout un protocole pour élever ce cheval, un test en quelque sorte de la coopération attentive et patiente qu’il appelle avec ce pays. « Je veux voir par ce bestiaire croisé notre volonté patiente d’œuvrer dans l’intérêt de nos deux pays », a dit le président.

« Un sujet qui pense »

De l’autre côté, il a fait le service après-vente des réformes menées en France depuis son élection, pour montrer qu’avec lui « la France est de retour » comme « une puissance du futur » dans le numérique et la transition écologique, et « une grande place financière ».

Au chapitre des droits de l’homme, dossier extrêmement sensible en Chine, M. Macron a dit avoir fait passer des « messages clairs » lors de ses entretiens en tête à tête avec Xi Jinping, mais il a refusé d’en rajouter publiquement. « Je ne fais pas la diplomatie de l’Hygiaphone, a-t-il expliqué. Je pourrais me faire plaisir en donnant des leçons à la Chine, ça s’est beaucoup fait, ça n’a jamais eu aucun résultat. »

Le président français a néanmoins fait valoir son point de vue par petites touches à Pékin. A Xi’an, depuis le palais de Daming, il a ainsi vanté la « justice sociale » et fait l’éloge de l’homme comme « sujet libre ». « Derrière chaque individu, il y a un sujet qui pense, qui peut librement créer, innover », a-t-il déclaré.

« Malin »

Un viatique mis en pratique mardi soir quand, après le dîner d’Etat avec M. Xi, M. Macron et son épouse ont rendu visite à des peintres et photographes chinois réunis dans une galerie privée dans l’est de Pékin. S’il n’a rencontré aucun artiste dissident, il a échangé pendant près de deux heures avec des figures célèbres de l’art contemporain chinois comme Zhang Xiaogang, Huang Rui ou Xu Bing, qui portent un regard critique sur la société chinoise et ses contradictions. « Venir voir ces artistes, c’est aussi venir voir une expression et une sensibilité chinoises qui s’expriment ouvertement, librement, sans méconnaître rien de ce qui peut exister par ailleurs », a commenté le chef de l’Etat.

Dans sa délégation officielle, M. Macron avait d’ailleurs invité le dessinateur français Jul, connaisseur de la Chine, qui a passé son séjour à Pékin à caricaturer les autorités chinoises dans des dessins postés sur Twitter, réseau social bloqué en Chine. « Dans un pays où il est très difficile de se moquer de n’importe quel dirigeant, Emmanuel Macron est venu avec un dessinateur qui se moque ouvertement de lui. C’est assez malin, c’est une forme de diplomatie des droits de l’homme par l’exemple », a expliqué Jul au Monde. Le dessinateur a profité du dîner d’Etat pour offrir à M. Xi un exemplaire de sa bande dessinée La Planète des sages, publiée récemment en Chine, en évoquant devant le numéro un chinois « la sagesse nécessaire à tout dirigeant ».