L’avis du « Monde » - Pourquoi pas

C’est trop d’histoires pour une petite commune comme Le Mêle-sur-Sarthe (Orne). Philippe Le Guay, qui y a situé Normandie nue, voudrait y faire entrer une comédie de manière, un tableau du déclin de l’élevage français, un mélodrame paysan à la Maupassant et une romance. Si bien que le film se voit comme l’on chine, il faut fouiller dans le bric-à-brac pour y trouver un élément à sa convenance. On peut y arriver.

Le film doit son titre au passage, un jour de manifestation d’agriculteurs, d’un photographe américain. Le personnage que joue le Britannique Toby Jones est de toute évidence inspiré de Spencer Tunick, l’homme qui déshabille les foules pour en faire des kaléidoscopes de chair. A la vue d’un champ situé sur le territoire du Mêle-sur-Sarthe, l’artiste décide d’y photographier toute la population de la commune dans le plus simple appareil. Le maire (François Cluzet), qui vient de bloquer la voie rapide voisine avec ses administrés pour faire valoir les revendications des éleveurs, voit dans cette proposition l’occasion de faire valoir sa cause aux yeux de la planète. Il fait affaire avec le photographe et entreprend de convaincre la population.

Le film se voit comme l’on chine, il faut fouiller dans le bric-à-brac pour y trouver un élément à sa convenance

La séquence de la manifestation montre le meilleur côté du film : Philippe Le Guay a mêlé acteurs professionnels (François Cluzet, Philippe Rebbot, Patrick d’Assumçao) et éleveurs du Perche. Le mélange est presque homogène, la situation prend une vérité qu’on ne lui connaît pas toujours dans un reportage formaté.

Plaisirs fugaces

Quand l’embouteillage créé par les protestataires avale la voiture du photographe et de son équipe, on entrevoit la promesse d’une comédie différente. Mais la collision entre la détresse des éleveurs et les élaborations plastiques d’un photographe n’a pas suffi. Philippe Le Guay et ses collaborateurs au scénario, Olivier Dazat et Victoria Bedos, y ont ajouté : les difficultés familiales d’une famille de riches rurbains emmenés par un directeur d’agence (agence de quoi, on ne le saura jamais) qui se conduit comme Marie-Antoinette au Trianon ; l’idylle naissante entre un jeune homme (Arthur Dupont) revenu au pays pour liquider le petit commerce de photographe de son père et une ouvrière de la laiterie du coin ; une sombre histoire de spoliation cadastrale qui oppose deux fermiers du coin (d’Assumçao et Rebbot) ; sans parler de la jalousie maladive du boucher (Grégory Gadebois), mais au moins celle-ci est-elle liée à l’argument principal puisque le commerçant glisse vers la folie à l’idée de voir sa femme se déshabiller.

Il arrive que ces éléments disparates s’emboîtent, comme dans cette jolie séquence qui réunit le fils du photographe du village et le grand artiste américain. On perçoit aussi le plaisir que Philippe Le Guay et le chef opérateur, Jean-Claude Larrieu, ont eu à filmer les paysages du bocage. Ces plaisirs fugaces font oublier un instant les fausses notes et les lieux communs dont Normandie nue est trop souvent revêtu.

NORMANDIE NUE - Bande-annonce
Durée : 02:08

Film français de Philippe Le Guay. Avec François Cluzet, François-Xavier Demaison, Toby Jones (1 h 45). Sur le web : normandienue-lefilm.fr