Les présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping, à Pékin le 9 janvier. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Réciprocité : ce devait être le maître mot du premier voyage du président Emmanuel Macron en Chine, du 8 au 10 janvier. Un coup d’œil à la balance commerciale franco-chinoise permet en effet de comprendre l’urgence d’un rééquilibrage.

Le déficit commercial a coûté à la France un demi-point de croissance en 2017 ; une bonne part du déséquilibre provient de la Chine. Non seulement la France n’exporte pas assez, mais les Chinois investissent dix fois moins en France que les Français en Chine. Entre la Chine et la France, la puissance de feu est inégale. Raison de plus pour poser quelques règles.

Il a donc bien été question de réciprocité pendant cette visite, dont la conduite, en réalité, a davantage rappelé la méthode de la chancelière Merkel que celle des précédents présidents français : un séjour de trois jours, y compris hors de Pékin, plutôt que des sauts de puce, la promesse de retour chaque année, la priorité donnée aux relations économiques.

Compte tenu de la paralysie diplomatique actuelle d’Angela Merkel, enlisée dans ses négociations de coalition, M. Macron n’a pas hésité à se poser en porte-parole de l’Europe ; ce n’était pas inutile, tant Pékin sait mettre à profit les divisions au sein de l’UE.

La tâche du « parler vrai » et la défense de « l’Europe qui protège » sont, cette fois, revenues au ministre de l’économie, Bruno Le Maire. « On accepte des investissements sur le long terme, pas des investissements de pillage », a-t-il averti. Le mot de « pillage » est fort, mais il a le mérite de la clarté : dans leur soif d’investissements en Europe, les Chinois visent volontiers les secteurs sensibles, surtout s’ils sont prometteurs de transferts de technologies.

Ouverte à tous vents, l’Europe a trop longtemps toléré ce « pillage ». Elle s’est « réveillée il y a quelques mois », a reconnu M. Macron. Bruxelles cherche en effet à protéger les intérêts stratégiques européens face aux investisseurs étrangers.

Sourire convenu

Si Emmanuel Macron a répété que le but de ce voyage n’était pas de « venir chercher un maximum de contrats avec des montants affichés très élevés », qui ne correspondent pas toujours à la réalité, il a tout de même cédé à la tentation d’annoncer une traditionnelle moisson de coopérations. Parmi les plus visibles figurent la commande de 184 Airbus A320 et l’accélération de la production de cet appareil dans l’usine de Tianjin.

L’énergie est aussi en bonne place, avec la promesse de la construction d’une usine de traitement et de recyclage des combustibles nucléaires usagés. Ce contrat, d’un montant estimé de 10 milliards d’euros, représente une formidable bouée de sauvetage pour Areva, en grande difficulté.

La France s’est également trouvé une vitrine en signant un accord de coopération avec le géant chinois du commerce électronique JD.com, qui s’est engagé à vendre pour 2 milliards d’euros de produits français aux consommateurs chinois au cours des deux prochaines années. Une occasion de doper les exportations françaises, notamment dans l’agroalimentaire et la cosmétique. C’est bien.

Mais, derrière son sourire convenu, le président Xi Jinping s’est gardé de donner des gages de réciprocité : l’avenir dira si la poussée diplomatique de M. Macron produit des effets sur ce plan. Si la Chine sait parfaitement protéger ses marchés et se montrer sélective sur les investissements étrangers, les Européens, eux, ont encore du chemin à faire pour maîtriser cet art.