Philippe Marchand, alors ministre de l’intérieur, en 1991. / GERARD FOUET / AFP

« J’ai un cancer, mais à part ça tout va bien. » Philippe Marchand, qui est mort le 10 janvier à l’âge de 78 ans, à Saintes (Charente-Maritime) aura gardé jusqu’au bout son sens de l’humour. De même que sa barbe impeccablement taillée, une élégance naturelle et sa fidélité à un territoire, la Haute-Saintonge, où ce grand amateur de pêche et fumeur de pipe aimait taquiner la truite.

C’est là aussi que cet ancien avocat, né le 1er septembre 1939, à Angoulême (Charente), a débuté sa carrière politique, entretenant des rapports parfois tendus avec sa famille, le Parti socialiste, qu’il avait rejoint tardivement, à près de 35 ans. Il avait pris ses distances avec le PS depuis les législatives de 2012, quand il avait soutenu la candidature du dissident Olivier Falorni contre celle de Ségolène Royal. Déjà, en 2006, il s’était mis en congé du parti à la suite des propos de Georges Frêche (1938-2010), ancien maire PS de Montpellier, sur les harkis.

L’homme n’était pas réputé pour ses coups de gueule, sinon pour ses compétences de juriste et sa capacité à arrondir les angles. Ainsi, il présida pendant dix ans la commission nationale des conflits au sein du PS, une lourde tâche. Dominique Bussereau, actuel président (LR) du conseil départemental de la Charente-Maritime, l’avait aussi nommé en 2016 parmi un collège de « sages » chargé d’élaborer la consultation sur un droit de passage à l’entrée de l’île d’Oléron, projet finalement avorté.

Mettre de côté les divergences

Très engagé à gauche, il incarnait ces élus de tout bord du « parti de la Charente-Maritime », qui savaient mettre de côté leurs divergences pour défendre les intérêts de leur territoire. « Mitterrandiste intégral », Philippe Marchand était souvent embarqué par l’ancien chef de l’Etat, un autre Charentais, lors de ses visites surprises en Charente-Maritime auxquelles participaient quelques proches, Robert Badinter, le Rochelais Michel Crépeau ou le Saintais Michel Baron, le temps d’une balade autour de l’île d’Aix ou d’un repas à Soubise.

En juillet 1990, le premier ministre Michel Rocard le nomme ministre délégué aux collectivités locales. En 1991, Mitterrand fait appel à ce serviteur de l’Etat pour prendre la place de Pierre Joxe au ministère de l’intérieur, parti à la défense en pleine guerre du Golfe après le départ de Jean-Pierre Chevènement. Il fut l’un des artisans de la mise en place du plan Vigipirate.

Elu député à quatre reprises, il fut aussi vice-président de l’Assemblée nationale en 1985. Conseiller d’Etat, juge à la Haute Cour de justice, membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), il abandonna progressivement tous ses mandats en 2006. Il sortit de sa retraite pour superviser le scrutin de la primaire socialiste en 2011, avant de retourner s’occuper de ses roses à Angoulins, près de La Rochelle, dans l’ancienne maison du radical Michel Crépeau (1930-1999), un ami proche qu’il avait d’abord côtoyé dans les prétoires, puis suivi au Palais-Bourbon, à Paris.

Emmanuel Macron a salué sur Twitter un « humaniste enraciné dans sa terre de Charente-Maritime, fidèle parmi les fidèles de François Mitterrand, grand serviteur de la République comme élu local, comme parlementaire et comme ministre en des temps difficiles ».

L’actuel ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a rendu hommage à Philippe Marchand, « un homme politique visionnaire, doté d’un grand sens de l’engagement au service de l’Etat », en rappelant qu’il fut l’un des pères de la loi créant les intercommunalités en 1992.

Philippe Marchand en dates

1er septembre 1939 Naissance à Angoulême

1982-1985 Président du conseil départemental de Charente-Maritime

1991-1992 Ministre de l’intérieur

10 janvier 2018 Mort à Saintes (Charente-Maritime)