Et si les meilleurs vœux que l’on pourrait souhaiter pour 2018 prenaient la forme d’un éloge du « rien » ? A l’heure des bonnes résolutions, l’association Zero Waste France appelle à ne rien acheter de neuf, ou presque, cette année. Lancé le 1er janvier, son défi baptisé « Rien de neuf », auquel 5 000 personnes ont déjà souscrit, prend une résonance particulière alors qu’ont débuté, mercredi 10 janvier, six semaines de soldes, où les promotions aguicheuses peuvent constituer autant d’appels à une consommation immodérée.

L’enjeu du défi est, à l’inverse, de tendre vers une consommation raisonnée, dans le but de réduire « son sac à dos écologique », résume Flore Berlingen, présidente de l’association, financée en partie par ses bénévoles mais aussi par les subventions du ministère de la transition écologique et solidaire et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

« Les objets neufs impliquent, dans le processus de production, un coût écologique, invisible pour le consommateur », détaille Mme Berlingen, qui énumère « le fait d’extraire des matières premières et d’utiliser énormément de ressources naturelles, d’énergie et d’eau ».

Faire circuler les produits

Cette démarche du « zéro déchet », qui implique notamment de consommer des aliments qui ne produiront pas ou peu d’emballages, étant jugée « trop contraignante » par de nombreux foyers, le défi ne concerne pas la nourriture, les cosmétiques et les produits d’hygiène. L’association entend « seulement » mettre fin aux achats d’objets et d’équipements neufs de la vie quotidienne : vêtements, meubles, électroménager, high-tech, décoration, livres, etc.

« Il y a déjà énormément de biens et d’objets de ce type en circulation, il faut en priorité les faire circuler », considère Mme Berlingen, qui dirige également le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Selon elle, ces objets sont généralement très polluants et représentent une part considérable dans le budget des ménages, bien qu’il s’agisse d’achats occasionnels.

L’industrie du textile est considérée comme la deuxième plus néfaste pour l’environnement, après l’industrie du pétrole. La fabrication d’un jean nécessite 8 000 litres d’eau. L’industrie de l’électronique est également « énergivore » : « derrière un smartphone, qui pèse quelques centaines de grammes, il y a en réalité 70 kilos de consommation de matières diverses », informe Mme Berlingen, qui dénonce des modes de production « insoutenables d’un point de vue social et environnemental ».

Des applications, « qui fonctionnent par géolocalisation », permettent de faciliter les prêts. Les sites de dons ou d’échanges prospèrent

Comment remplacer l’aspirateur qui a rendu l’âme ? Où trouver le dernier Goncourt ailleurs qu’en librairie ? Comment gérer l’aménagement de la chambre censée accueillir un nouveau-né ? A écouter Mme Berlingen, les réponses semblent aussi simples que de se rendre dans une grande surface, listant pêle-mêle une série d’alternatives.

La plus évidente est de se tourner vers le secteur de l’occasion, en boutique ou sur Internet, entre particuliers ou auprès de professionnels. La location peut constituer une alternative, notamment pour « les objets de bricolage ou de jardinage, dont on a besoin deux à trois fois par an, comme l’appareil à raclette ou la perceuse ».

De nombreuses applications, « qui fonctionnent par géolocalisation », permettent de faciliter les prêts. Des sites de dons ou d’échanges prospèrent depuis ces dernières années. Quant aux livres, l’option « la plus répandue et la plus pratique » pour se procurer des ouvrages récents reste la bibliothèque, « où l’on peut suggérer des achats au bibliothécaire ».

Les participants, invités à s’inscrire sur le site Riendeneuf.org, reçoivent chaque semaine un mail proposant « des idées concrètes d’alternatives au neuf, des conseils, des témoignages ». Un espace qu’ils se sont approprié, partageant leurs difficultés et leurs astuces pour consommer autrement, à l’instar de Flavie, dont le mariage est prévu cet été, et qui se demande comment l’organiser sans rien acheter de neuf. Sur le groupe Facebook du défi, une jeune mariée lui suggère de louer et de se faire prêter des accessoires par des amis, quand une autre confie que la décoration peut être réalisée avec des objets de récup’.

Outre conseils et témoignages, le site de l’association propose les coordonnées d’organismes utiles classés par thème (électroménager, livres, vêtements, multimédia, meubles, réparation, mutualisation, etc.). Avec l’ambition de redonner une dimension locale à la consommation, en favorisant les secteurs de la réparation et du reconditionnement, et en créant de l’activité et de l’emploi.

Pression sociale

A peine deux semaines après le lancement de cette initiative, la résistance de certain(e)s participant(e)s est mise à rude épreuve, avec les soldes. « Je vais avoir du mal à tenir, vivement que ce soit terminé. En attendant, ne pas sortir et ne pas prendre ma carte bancaire », lance Hélène sur le groupe Facebook. « Ce n’est pas facile de résister, le matraquage publicitaire est efficace, et il induit une vraie pression sociétale », analyse la présidente de Zero Waste.

Rassurante, Mme Berlingen rappelle que l’enjeu est avant tout de « repenser ses modes de consommation », notamment dans l’espoir que ces nouvelles pratiques rayonnent auprès de l’entourage des participants, « dont les profils et les âges sont variés et répartis dans toute la France ». Et de citer l’exemple de cette jeune femme « pas prête à participer au défi », mais qui a décidé de noter tous les achats neufs qu’elle ferait dans l’année. « C’est une première étape vers une prise de conscience, qui conduira, on l’espère à un changement dans sa façon de consommer ». Et ça, ce n’est pas rien.