« Super Mario Odyssey », le jeu le plus vendu sur la Switch, explique en partie le succès de Nintendo en 2017. / Jordan Strauss / Invision for Nintendo of America

911 000 machines vendues en quarante-quatre semaines de commercialisation : en France, on n’avait jamais vu une console de salon réaliser un meilleur démarrage que la Switch de Nintendo, disponible depuis mars 2017.

A son lancement, la concurrente, PlayStation 4, actuelle leader du secteur, ne s’était écoulée qu’à 650 000 exemplaires. Même la Wii de Nintendo, qui avait établi le précédent record il y a dix ans, n’avait trouvé « que » 703 000 acquéreurs pour la même durée de commercialisation.

Autant de chiffres dont se réjouit la division française de Nintendo. Philippe Lavoué, son directeur, explique ainsi à « Pixels » qu’en neuf mois, la Switch s’est davantage vendue que sa prédécesseure, la Wii U, ne l’avait fait en cinq ans.

« On n’est pas du tout dans la même dimension », martèle l’intéressé, qui rappelle ses objectifs : un million de machines vendues avant fin février, et plus de deux millions avant la fin de l’année. Même s’il rappelle que « [ses] objectifs sont à court terme », il reconnaît qu’il « se prend à rêver aux 6,5 millions » d’exemplaires de la Wii à la fin de sa vie commerciale, en 2013.

La princesse qui talonne le plombier

Premier ambassadeur de la Switch : Super Mario Odyssey, pourtant l’un de ses jeux les plus récents. Sorti à peine deux mois avant Noël, il a trouvé pas moins de 512 000 acquéreurs en France. Il est suivi de près par Mario Kart 8 Deluxe, le jeu de course s’étant vendu à 508 000 exemplaires.

Le troisième plus gros succès de la console, c’est The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Aussi populaire qu’elle soit, la série des Zelda ne rivalise habituellement pas avec les scores de son cousin Mario. Cette fois pourtant, cet épisode unanimement salué par la critique talonne les aventures du plombier, avec 410 000 exemplaires vendus (la majorité à l’approche des fêtes).

Avec sa Switch, Nintendo réalise en 2017 un démarrage historique. / Nintendo

Le jeu de tir Splatoon 2 affiche, lui, 250 000 ventes, tandis que 1-2 Switch, titre à la qualité plus discutable mais qui a bénéficié d’être l’un des seuls disponibles au lancement de la console, s’est vendu à 200 000 exemplaires. Le cas du jeu de combat Arms, autre titre mis en avant par Nintendo au lancement de la Switch, n’est en revanche pas évoqué. 250 000 ventes pour Splatoon 2, une semi-déception pour la France ? Au Japon, c’est le plus gros succès de la console, où près de trois propriétaires de Switch sur cinq l’ont acheté. Philippe Lavoué préfère voir « le verre à moitié plein » : « C’est une possibilité d’accélération tout à fait significative ! »

Si près des trois quarts des jeux vendus sur Switch sont développés par Nintendo, il reste un peu de place pour les éditeurs tiers, comme Ubisoft ou Electronic Arts. Mario + The Lapins crétins s’est ainsi vendu à 150 000 exemplaires, et la réédition de Rayman Legends à 50 000.

Pas de trace, en revanche, dans les chiffres que donne M. Lavoué, des jeux tels que Doom et Skyrim. Des jeux destinés à un public plus pointu et gamer, traditionnellement plus adepte du PC ou des consoles des concurrents Sony et Microsoft.

« Je n’ai pas de chiffres précis. “Doom” c’est petit. Mais on ne peut pas comparer. Ce sont des communautés qui ne sont pas sur Switch au départ, il faut un petit peu de temps pour les convaincre. C’est comme “FIFA” : on pourrait se dire, 73 000 exemplaires, c’est quoi comparé aux ventes de “FIFA” sur PlayStation 4 ou sur Xbox ? Mais nous très clairement on a l’intention de le vendre très longtemps. »

Nintendo ne souhaite pas communiquer sur les chiffres de vente de « Skyrim », portage audacieux d’un jeu de rôle que l’on attendait pas sur Switch.

La gamme rétro pérennisée

Si la Switch a définitivement remplacé la Wii U, la 3DS, la console portable de Nintendo, a encore fait de la résistance en 2017. 507 000 consoles et 3 millions de jeux (dont 400 000 Pokémon et 100 000 Miitopia) ont en effet trouvé preneurs en 2017 : une performance plus qu’honorable pour une console vieille de sept ans, bien que forcément en retrait par rapport aux 700 000 consoles et 3,3 millions de jeux vendus en 2016.

2018 a pourtant des allures de dernier tour de piste pour la console portable aux deux écrans : si Philippe Lavoué promet que Nintendo « continue d’alimenter son catalogue », le manque de visibilité n’est pas rassurant. L’année dernière à la même époque, Nintendo promettait « un grand jeu par mois » : cette année, seul le portage du jeu de rôle Radiant Historia figure sur les tablettes des boutiques spécialisées (sortie prévue pour le 16 février). Et même sur son site officiel, l’éditeur ne liste qu’une nouveauté pour 2018 : le relativement obscur Sushi Striker.

Désormais, l’autre chantier de Nintendo est plutôt à chercher du côté des jeux rétro. Dépassé en 2016 par le succès de sa version miniature de l’antique NES (Nintendo Entertainment System, 84 000 exemplaires vendus en France, immédiatement en rupture de stock), Nintendo a mis en vente 221 000 Super Nintendo Mini en 2017. Toutes vendues également. « On a d’ailleurs une réflexion pour proposer une offre permanente de retrogaming, qui va se structurer au fur et à mesure de l’année. On a prévu de réintroduire les produits qui ont le mieux marché », explique M. Lavoué.

En septembre, Nintendo Europe avait même annoncé vouloir rééditer la NES Mini pour l’été 2018 : une date que le directeur de Nintendo France se refuse à confirmer : « Ce n’est pas arrêté en termes de date mais l’idée est de sortir un peu avant la fin d’année. »

Des perspectives encore floues

Fort de cette année exceptionnelle, Nintendo va devoir maintenant transformer l’essai pour espérer marcher sur les pas de la Wii et de ses 6,5 millions de machines vendues. Or, si le constructeur a frappé très fort en 2017 en proposant de nouvelles itérations de ses séries phares, l’offre en jeu cette année semble a priori moins imparable.

« Il y aura Bayonetta 1 et 2 [initialement sortis sur Wii U] dès le mois prochain, et la logique c’est un grand jeu par mois, en reprenant la recette qui ont bien fonctionné en 2017 : Kirby Star Allies, Fire Emblem, Yoshi », énumère Philippe Lavoué.

Autant de licences bien connues des plus fervents adeptes de Nintendo, mais qui ne possèdent pas nécessairement de la même aura aux yeux du grand public. « Il y a un Pokémon RPG qui est en développement, il y a des annonces qui vont arriver sur des grandes franchises que je ne peux pas dévoiler pour l’instant », nuance M. Lavoué.

Ce n’est pourtant pas la série d’annonces intervenue jeudi 11 janvier qui rassurera totalement les joueurs : outre Mario Tennis Aces qui sortira au printemps, Nintendo a surtout dévoilé de nouvelles versions de jeux parfois anciens, comme Donkey Kong Country : Tropical Freeze (disponible le 4 mai), The World Ends with You (en 2018), Hyrule Warriors (au printemps), Ys VIII (cet été), ou encore Dark Souls (le 25 mai).

Nintendo Direct Mini 1.11.2018
Durée : 14:22

La stratégie n’est pourtant pas totalement fantaisiste : Mario Kart 8 Deluxe, deuxième plus gros succès de la Switch en 2017, n’était qu’une version améliorée de Mario Kart 8, un jeu initialement sorti sur Wii U… en 2014.

De toute façon, pour Philippe Lavoué, les perspectives de Nintendo pour 2018 ne sont pas seulement à chercher du côté de ses séries les plus connues. « De nombreux autres jeux et innovations sont à prévoir », dit-il, en insistant sur le mot « innovation ».

« De nouvelles propositions de nature à surprendre les joueurs vont être annoncées sur le marché très prochainement. C’est en cours de développement, ça va se dérouler progressivement. Mais souvenez-vous du cycle de vie de la Wii : il y avait des propositions jamais vues jusqu’alors dans le monde du jeu vidéo, qui ont fait les belles heures de la console, en optimisant ce qu’elle proposait. Certains jeux qui étaient de nature à faire changer les usages. »