Un Iranien prépare la destruction de drogue saisie par les autorités, à l’est de Téhéran, le 26 juin 2013. / BEHROUZ MEHRI/AFP

L’entrée en vigueur d’une nouvelle loi va suspendre les condamnations à la peine de mort qui pesaient sur quelque 5 000 trafiquants de drogue en Iran. Le 9 janvier, le chef du pouvoir judiciaire, Sadegh Amoli Larijani, a transmis à son administration le décret d’application de ce texte, voté par le Parlement en août 2017, avec effet rétroactif. En pratique, ce décret oblige les juges à réexaminer plusieurs milliers de dossiers et à commuer certaines condamnations à la peine capitale en peines d’emprisonnement et, parfois, en simples amendes.

La mise en application de cette loi constitue un profond changement de stratégie de la part de Téhéran dans sa lutte contre le trafic de stupéfiants. Elle représente aussi une tentative des autorités de répondre aux critiques des organisations de défense des droits de l’homme, qui dénoncent le grand nombre d’exécutions dans le pays. En 2016, avec 567 exécutions recensées, la République islamique d’Iran se plaçait en deuxième position des pays ayant le plus appliqué la peine de mort, derrière la Chine.

Selon cette loi, seuls les Iraniens arrêtés pour le trafic et la distribution de plus de 50 kg d’opium seront condamnés à la peine capitale, contre 5 kg jusqu’ici. Ce seuil, auparavant fixé à 30 grammes pour l’héroïne et les amphétamines, passe respectivement à 2 kg et à 3 kg. De par sa frontière avec l’Afghanistan, premier producteur d’opium au monde, l’Iran se situe sur une importante route internationale de trafic de cette substance ainsi que de l’héroïne, qui en dérive et est également produite en Afghanistan. La consommation de drogues est importante en Iran, où le taux de chômage des jeunes atteint 28 %, selon les chiffres officiels, sous-estimés à en croire beaucoup d’analystes.

Image ternie

Malgré de vives critiques de l’Organisation iranienne de la lutte contre les drogues, qui rassemble autour du président, Hassan Rohani, des représentants des forces de sécurité, de la justice et de la santé, cette loi a été votée au Parlement, à l’été 2017, au début du second mandat de M. Rohani. Elle a été depuis validée par le Conseil des gardiens de la Constitution, un corps chargé de vérifier la conformité des lois avec le droit islamique et la loi fondamentale du pays. Cet organe s’oppose pourtant d’ordinaire à tout « relâchement » du droit sociétal, et à la modification des lois qu’il juge essentielles à la République islamique, comme celle sur la peine de mort.

Cette annonce survient alors que des organisations des droits de l’homme évoquent la mort en prison de cinq manifestants, arrêtés lors de la vague de contestation ayant secoué l’Iran pendant une semaine, à partir du 28 décembre 2017. Alors que les pays occidentaux et des organisations internationales s’inquiètent de la violence exercée par Téhéran contre les manifestants, ces suspensions massives d’exécutions permettent au président Rohani de mettre en avant un progrès réel de l’Iran en matière des droits de l’homme.

« C’est une très bonne nouvelle, parce que l’application de la peine de mort en Iran a gravement terni l’image du pays à l’étranger, s’est réjoui l’avocat reconnu Saleh Nikbakht, dans un entretien au quotidien iranien Etemad. Si la peine de mort avait été efficace, elle aurait fait diminuer le nombre des trafiquants de stupéfiants depuis longtemps. Au contraire, ils se multiplient. »

La nouvelle loi n’annule pas les peines capitales prononcées contre les chefs des cartels ni contre ceux qui engagent des mineurs et qui ont recours aux armes à feu. En Iran, le viol, le meurtre et la pédophilie sont encore aujourd’hui passibles de la peine de mort.