Devant la prison de Vendin-le-Vieil, le 16 janvier. / FRANCOIS LO PRESTI / AFP

De nouvelles actions de blocages des prisons ont eu lieu mardi 16 janvier au matin, à l’appel de trois syndicats de surveillants qui avaient lancé lundi un mouvement national après l’agression de trois de leurs collègues par un détenu condamné pour terrorisme, le 11 janvier, au centre de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). Un mouvement d’une ampleur inédite depuis deux ans sur fond de colère liée aux conditions de travail et aux tâtonnements dans la prise en charge de la ­ « radicalisation ». Lundi 15 janvier, sept surveillants ont été agressés et blessés à coups de poing par un détenu « radicalisé » au centre pénitentiaire de Pémégnan, à Mont-de-Marsan (Landes).

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, s’est rendue, à Vendin-le-Vieil, mardi matin, « pour écouter les personnels, comprendre ce qu’il s’est passé et voir ce qui peut être amélioré sur la sécurité ». Un déplacement sensible alors que les perturbations à l’appel des syndicats UFAP-UNSA Justice, FO pénitentiaire et CGT pénitentiaire, ont affecté lundi à des degrés divers les trois quarts des 188 prisons françaises, selon l’administration pénitentiaire.

Tension palpable

Cas exceptionnel, les syndicats ont obtenu lundi la démission du directeur de Vendin-le-Vieil. Selon un syndicat, ce dernier aurait refusé des « tenues de protection » à ses agents alors que le profil du détenu incriminé était inquiétant et que des écoutes téléphoniques avaient montré son envie de s’attaquer à un surveillant. Selon le rapport de l’inspection remis à la garde des sceaux, le directeur n’a pas commis de « faute », affirme l’un des destinataires de ce document.

« Nous attendons du pouvoir politique qu’il ne fasse pas partir un directeur dès qu’il y a un problème », pointe Jean-Michel Dejenne, conseiller national du syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP).

De l’avis de toutes les parties, l’agression de Vendin-le-Vieil est en réalité une occasion qui a été saisie par les syndicats dans un contexte d’usure global du métier de surveillant. Une profession minée par le turn-over, les nouvelles missions (extractions judiciaires) et le niveau élevé des agressions. Syndicats et ministère s’accordent même pour dire qu’il manque, a minima, 1 500 postes de surveillants en prison. En outre, à Vendin-le-Vieil, la tension était palpable. Un détenu avait tué un autre prisonnier, en janvier 2017, dans des circonstances contestées entre direction et personnel. La prison était aussi censée être une vitrine : ultra-sécurisée, avec un taux d’occupation dérisoire (une centaine de détenus pour 240 places).

Application plus intransigeante des règlements

La montée de la violence touche tous les établissements, mais la multiplication des détenus « radicalisés » inquiète. « Avant on avait des coups de poing chez tout le monde, maintenant ce sont des lames de rasoir et des couteaux », détaille Samuel Gauthier, secrétaire général adjoint de FO pénitentiaire. Avec l’UFAP-UNSA, il appelle collectivement à plus de « sécurité », et une application plus intransigeante des règlements intérieurs. La CGT, elle, y ajoute des revendications salariales et statutaires.

La « radicalisation » demeure un sujet qui divise le monde pénitentiaire. L’UFAP-UNSA et FO militent pour des établissements où seraient regroupés les 500 détenus liés à des affaires de terrorisme. Une façon d’espérer notamment une reconnaissance de pénibilité. A l’inverse, le SNDP et la CGT y sont opposés, redoutant une hausse de la violence. Ils sont cependant favorables à l’essor des quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) où les détenus sont « évalués » pendant quatre mois avant d’être dispatchés.

Dans ce contexte Emmanuel Macron a annoncé lundi avoir demandé pour la fin février la présentation d’un « plan péni­tentiaire global » qui, outre les modalités de construction de 15 000 places de prison, devra porter sur les personnels, le renseignement pénitentiaire et le statut des détenus.