Au début du procès de Larry Nassar, le 16 janvier. / SCOTT OLSON / AFP

Aux Etats-Unis, la presse n’hésite plus à parler du « plus important scandale d’agressions sexuelles dans l’histoire du sport ». Un scandale qui court sur trois décennies et qui a pris de l’ampleur avec l’accumulation de témoignages de jeunes femmes depuis deux ans.

Le principal accusé, Larry Nassar, est le médecin-ostéopathe qui soignait depuis trente ans des gymnastes américaines à la clinique sportive de l’université du Michigan et au sein de la fédération américaine de gymnastique. Nassar était une figure connue dans les délégations olympiques américaines, ayant participé aux quatre derniers Jeux olympiques.

Dans les coulisses, Nassar s’est livré, pendant toutes ces années, à des attouchements et à des agressions sexuelles sur des jeunes filles, en prétextant des massages pour soigner des blessures au dos ou aux hanches. Déjà condamné à soixante ans de prison pour détention de matériel pédopornographique, il a plaidé coupable de dix chefs d’inculpation d’agressions sexuelles.

Sa peine sera connue à l’issue d’un procès qui s’ouvre, mardi 16 janvier, dans l’Etat du Michigan. Pendant quatre jours, des dizaines de jeunes filles, parmi les cent quarante qui ont publiquement accusé Larry Nassar de les avoir agressées au cours de leur carrière de gymnaste, prendront la parole publiquement pour raconter ce qu’elles ont subi.

Simone Biles lors des JO de Rio en 2016. / MIKE BLAKE / REUTERS

L’emprisonnement de ce prédateur sexuel est la conséquence de la prise de parole de ces gymnastes. Elles occupaient tous les échelons de la gymnastique, des amatrices universitaires jusqu’aux multiples médaillées d’or aux JO. Elles ont raconté leur calvaire, parfois plusieurs années après les faits, anonymement dans des enquêtes de presse, des émissions télévisées ou sous forme de messages sur les réseaux sociaux.

Simone Biles, quadruple championne olympique à Rio en 2016, l’a fait dans un tweet posté le 15 janvier :

« Je suis aussi l’une des nombreuses survivantes qui ont été abusées sexuellement par Larry Nassar. Ce comportement est complètement inacceptable, dégoûtant et abusif, surtout venant de quelqu’un à qui l’on m’a dit de faire confiance […] Non, je ne vais pas et ne devrais pas porter la culpabilité qui appartient à Larry Nassar, à la Fédération américaine et à d’autres ».

Avant elle, d’autres gymnastes de premier plan, telles Aly Raisman, McKayla Maroney et Jamie Dantzscher, toutes médaillées olympiques, avaient pris la parole et, ce faisant, avaient attiré l’attention médiatique sur un scandale qui concernait des dizaines de leurs camarades.

Toutes racontent la même histoire, ou presque : des attouchements avant et pendant les compétitions ou les stages d’entraînement, dans des hôtels ou en coulisse. Des abus justifiés sous le nom de « traitement », se souvient Aly Raisman, qui a subi le premier d’une longue liste à l’âge de 15 ans. McKayla Maroney, qui avait 13 ans la première fois, dit que Larry Nassar l’a agressée sexuellement aux JO de Londres, quelques heures avant qu’elle ne gagne l’or au concours par équipes et l’argent au saut de cheval.

En première ligne, la fédération de gymnastique

Larry Nassar, le 16 janvier. / BRENDAN MCDERMID / REUTERS

Larry Nassar finira sans doute sa vie en prison. Son procès ne servira pas seulement à le condamner, ou à permettre à ses victimes de témoigner. C’est, pour ces dernières, le début d’un processus qui aboutira à demander des comptes aux institutions — comité olympique américain, université du Michigan et fédération de gymnastique américaine — au sein desquelles Nassar a pu agir ainsi pendant plusieurs décennies.

En première ligne, USA Gymnastics, la fédération de gymnastique, accusée au mieux d’incompétence grossière, au pire d’avoir voulu étouffer les agressions systématiques. Son président, Steve Penny, a démissionné en mars après avoir été accusé d’avoir alerté les autorités trop tardivement. La fédération justifie ce retard en disant avoir fait appel au FBI à ce moment-là.

Depuis, tout en apportant publiquement son soutien à chaque gymnaste de premier plan, elle dit avoir mis en place, après une longue enquête interne, une nouvelle « politique sportive sûre », qui requiert de « rapporter obligatoirement » tout soupçon d’abus sexuel.

Des mesures jugées tardives et insuffisantes notamment par Simone Biles ou Aly Raisman, qui ont demandé publiquement des comptes aux responsables de la fédération. « Nous avons besoin de savoir pourquoi cela a pu avoir lieu si longtemps et toucher tant d’entre nous », a dit la première. Plus directe sur son compte Twitter, la jeune retraitée Aly Raisman a mis en cause sa désormais ancienne fédération :

« Nous avons été agressées par un monstre à qui vous avez permis de prospérer pendant des décennies. Vous êtes cent pour cent responsables. Il était obligatoire de recevoir les “traitements” de Nassar ».

Rachael Denhollander, la première gymnaste à avoir publiquement accusé l’ancien médecin olympique, a déclaré, en parlant des responsables de la gymnastique américaine et de l’université du Michigan :

« Vous avez échoué à tenir quiconque pour responsable d’avoir permis à la pédophilie de se développer pendant des décennies. »

L’avocat John Manly représente cent sept femmes qui ont porté collectivement plainte contre US Gymnastics et l’université du Michigan. A ses yeux, la fédération est coupable « d’avoir éhontément voulu étouffer » cette affaire.