Lundi 15 janvier, les Emirats arabes unis ont accusé l’armée de l’air qatarie d’avoir « intercepté » deux avions de ligne émiratis en route vers Bahreïn, dont un appareil de la compagnie Emirates (photo d’illustration). / CAREN FIROUZ / REUTERS

Le ciel du golfe Arabo-Persique se couvrirait-il un peu plus que d’ordinaire ? Depuis vendredi 12 janvier, le Qatar et les Emirats arabes unis, en crise ouverte depuis juin 2017, s’accusent mutuellement d’actes d’hostilité aérienne. Le regain de tension a débuté lorsque l’ambassadrice du Qatar aux Nations unies a annoncé avoir saisi les instances onusiennes de deux cas de violation de son espace aérien par des avions de chasse émiratis, commis, selon elle, le 21 décembre et le 3 janvier. Une accusation démentie par Abou Dhabi.

Les deux monarchies sont à couteaux tirés depuis que les Emirats, de concert avec l’Arabie saoudite, le Bahreïn et l’Egypte, ont rompu, début juin 2017, toutes les relations diplomatiques et économiques avec le Qatar. Ces quatre pays arabes reprochent au petit émirat gazier d’entretenir des relations trop étroites avec l’Iran et de soutenir des groupes extrémistes dans la région, deux imputations qu’il rejette, arguant que ses adversaires cherchent à le placer « sous tutelle ».

Lundi, les Emirats ont accusé à leur tour l’armée de l’air qatarie d’avoir « intercepté » ce même jour deux avions de ligne émiratis en route vers Bahreïn, l’un après l’autre, à quelques heures d’intervalle. Une allégation rejetée par Doha et que rien, à ce stade, n’a permis de prouver. Mardi 16 janvier, les Emirats arabes unis ont annoncé leur intention de porter plainte contre le Qatar devant l’Organisation de l’aviation civile internationale.

Aucune irrégularité

Le ministre des affaires étrangères bahreïni affirme que l’un des vols concernés est le EK 837, de la compagnie émiratie Emirates. Mais le site Internet FlightRadar24, qui assure le suivi des vols commerciaux grâce aux données transmises par un émetteur équipant les appareils, n’a fait état d’aucune irrégularité dans la trajectoire de l’avion. Le quartier général de l’armée américaine au Moyen-Orient, le US Central Command, implanté dans le désert qatari, n’a pas signalé non plus d’incident particulier.

Dimanche 14 janvier, autre imbroglio, la chaîne de télévision Al-Jazira, basée à Doha, a diffusé une vidéo d’un membre de la famille royale qatarie, Abdallah Ben Ali Al-Thani, dans laquelle celui-ci affirme être retenu contre son gré aux Emirats où il réside. Ironie de l’histoire, durant l’été 2017, les médias saoudiens et émiratis s’étaient entichés de ce prince, membre d’une branche de la dynastie régnante écartée du pouvoir en 1972, qu’ils présentaient comme une possible alternative à l’émir actuel, Tamim Ben Hamad Al-Thani.

Les dirigeants d’Abou Dhabi ont démenti exercer la moindre pression sur le cheikh Abdallah, affirmant qu’il peut quitter les Emirats quand bon lui semble. Mais sa famille persiste à affirmer qu’il n’est pas libre de ses mouvements.

Fin novembre, dans une vidéo similaire, un ancien général égyptien, Ahmed Chafik, lui aussi habitant de cette fédération des Emirats arabes unis, avait déclaré être assigné à résidence. Il affirmait que les autorités émiraties lui interdisaient de se rendre en Egypte, pour l’empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle contre l’actuel chef de l’Etat, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, favori d’Abou Dhabi et de Riyad. Finalement expulsé des Emirats début décembre, M. Chafik a renoncé à se porter candidat, persuadé que la reconduction de M. Sissi est jouée d’avance.

Les déboires du prince qatari rappellent également ceux de Saad Hariri. Le premier ministre libanais a été retenu près de deux semaines en Arabie saoudite, durant le mois de novembre 2017, après avoir été forcé à démissionner par le prince héritier Mohammed Ben Salman, qui le jugeait trop accommodant avec le mouvement chiite Hezbollah. Finalement exfiltré du royaume par une initiative du président français, Emmanuel Macron, M. Hariri a regagné Beyrouth début décembre, avant de revenir, deux semaines plus tard, sur sa démission.