Le gouvernement a décidé de tirer les leçons de l’affaire de la contamination de laits infantiles Lactalis. Informations au compte-goutte, résultats de contrôles non transmis, retrait des produits chaotique… Les dysfonctionnements ont été nombreux et poussent le gouvernement à envisager des mesures pour renforcer les contrôles sanitaires des entreprises agroalimentaires et améliorer la procédure de retrait et de rappel de produits.

Cette affaire a débuté le 10 décembre avec une première alerte sanitaire lancée par Lactalis après le signalement de plusieurs cas de bébés atteints de salmonelloses. Cette alerte a été suivie par deux autres, qui ont à chaque fois élargi le nombre de lots touchés et appelant à leur retrait des rayons des distributeurs. Mais la semaine dernière, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a révélé que 91 établissements – des supermarchés mais aussi des crèches et des hôpitaux – avaient vendu certains des laits dont le retrait avait pourtant été annoncé.

  • Lactalis s’engage à une « refonte du plan de maîtrise sanitaire »

Mardi matin, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, a reçu le président de Lactalis, Emmanuel Besnier, qui, pour rassurer les producteurs laitiers, a « confirmé le maintien de la collecte pour l’ensemble des producteurs et la mobilisation des investissements nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire des produits », selon le ministère. Vendredi, Bruno Le Maire avait intimé à Lactalis l’ordre de reprendre tous les lots de laits infantiles sortis de son usine de Craon, en Mayenne, où la salmonellose a été détectée. Plus de 12 millions de boîtes seraient concernées.

Face à M. Travert, « le PDG de Lactalis s’est engagé à mobiliser tous les moyens du groupe pour examiner toutes les hypothèses possibles permettant de parvenir à l’identification certaine de la contamination ». M. Besnier a également promis « une refonte du plan de maîtrise sanitaire, conformément à ses obligations, de façon à renforcer la surveillance des procédés de fabrication et anticiper toute survenue d’une contamination », selon un communiqué du ministère.

  • Plus de transparence dans les contrôles

Lactalis s’est vu reprocher d’avoir manqué de transparence et d’avoir tardé à réagir après la détection de salmonelle dans une tour de séchage de son usine de Craon lors d’autocontrôles réalisés en août et novembre. Ces analyses n’ont été connues du public qu’en décembre.

Stéphane Travert a ainsi annoncé, mardi, vouloir « un cadre juridique renforcé » pour obliger les entreprises à transmettre à l’Etat les résultats de contrôles défavorables, que ce soit sur les produits ou sur l’environnement, dès lors qu’ils peuvent avoir des « conséquences néfastes » sur la santé publique.

Le ministre a également annoncé un « plan de contrôle spécifique » en trois mois des sites de production de produits laitiers infantiles, soit une centaine d’établissements.

L’obligation de transmission de résultats défavorables portant sur les produits sera également obligatoire pour les laboratoires, a précisé le ministre mardi soir dans un communiqué à l’issue d’une réunion avec la filière laitière, inquiète des conséquences de l’affaire Lactalis. Cette dernière disposition « viendra s’ajouter à la disposition actuelle limitée aux épisodes avec des cas d’intoxication ».

Le ministère va travailler avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour définir les critères scientifiques retenus, et travailler sur le mode de changement de ce cadre juridique : mesures réglementaires ou inscription de ces mesures dans une loi.

  • Un site Internet unique pour les consommateurs

Du côté des consommateurs, le gouvernement propose de créer un site Internet unique recensant tous les produits concernés par une procédure de retrait-rappel. Cette proposition a été annoncée par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, après une réunion avec le Conseil national de la consommation (CNC), qui regroupe les associations de consommateurs, les organisations professionnelles et les services de la concurrence.

Le CNC soumettra « pour la fin du mois d’avril » des « propositions d’actions » afin d’améliorer les dispositifs de retrait de produits en cas de crise sanitaire, ou de malfaçon sur un produit de consommation.

Le ministre propose également de mettre sur pied une application interactive permettant aux consommateurs de signaler aux autorités compétentes les anomalies qu’ils constateraient.

  • Sanctions renforcées pour les distributeurs

Bruno Le Maire proposera en outre à la garde des sceaux, Nicole Belloubet, « d’harmoniser et de renforcer les sanctions encourues en cas de commercialisation de produits retirés ou rappelés ».

Le ministre a également annoncé qu’il rendrait publics, « la semaine prochaine », les résultats de 2 500 nouvelles inspections réalisées par la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et destinées à vérifier le retrait effectif des laits infantiles fabriqués par Lactalis.

Selon un bilan du 11 janvier, trente-sept bébés ont été atteints de salmonellose en France après avoir consommé un produit d’alimentation infantile Lactalis infecté.