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Produits laitiers : où va l’argent du beurre ? - Cash investigation (Teaser)
Durée : 01:34

C’est l’histoire d’un paradoxe. Celui d’un secteur d’activité évalué à 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, qui pourtant ne rapporte rien à ceux qui en sont la source. En octobre 2016 déjà, France 2 avait consacré un numéro d’« Envoyé spécial » à l’industrie laitière qui se concentrait principalement sur la mobilisation des éleveurs laitiers contre Lactalis. En cause, les cours intenables imposés par le numéro un mondial aux producteurs dont certains travaillent parfois plus de soixante-dix heures par semaine, à perte. Cette année-là, ils étaient d’ailleurs 10 000 à mettre la clef sous la porte.

Mais alors, où passe l’argent de la production ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre Jean-Baptiste Renaud pour « Cash Investigation ». Le journaliste a enquêté pendant un an sur le secteur laitier, notamment sur Lactalis – au cœur de l’actualité dans le scandale des laits infantiles contaminés par des salmonelles –, réputé faire partie des groupes qui paient le moins bien les agriculteurs. Afin d’en comprendre les raisons, il s’est penché de plus près sur cette entreprise familiale opaque, dirigée par Emmanuel Besnier, onzième fortune de France, selon le classement 2017 de l’hebdomadaire économiques Challenges. Une enquête pour le moins édifiante.

Conflit d’intérêts

On découvre que Lactalis ne publie pas ses comptes, alors que la loi le lui impose. Celle-ci prévoit même, dans certains cas, une amende de 2 % du chiffre d’affaires par jour de retard dans la publication des comptes d’une entreprise. A condition toujours que celle-ci les ait publiés au préalable. Ce qui n’est pas le cas de Lactalis. Une situation kafkaïenne, puisque le magazine de France 2 révèle également un conflit d’intérêts au sein du tribunal de commerce de Laval (ville où siège Lactalis), chargé de faire publier ses comptes à l’entreprise. Son vice-président n’est autre qu’un cadre dirigeant du groupe mayennais.

Elise Lucet avec Damien Lacombe président de Sodiaal

Alors, après mûre réflexion, certains fermiers, comme Pierre, se sont dit qu’il était préférable de travailler pour la coopérative Sodiaal. Tenue par des fermiers pour des fermiers, elle est censée être plus vertueuse. De prime abord seulement. Car, en 2016, Sodiaal, maison mère de Yoplait et Candia, figurait aussi sur la liste des mauvais payeurs. Si la coopérative reverse bien tous ses bénéfices déclarés à ses agriculteurs, il semblerait qu’elle en dissimule une partie dans plusieurs de ses filiales, afin de faire grimper sa valeur.

Ainsi, en 2015, les exploitants de chez Sodiaal se seraient contentés de 3,5 millions d’euros sur les 51 millions de bénéfices enregistrés par la coopérative. Pourtant, cet argent, ils en auraient bien besoin depuis que le groupe les a poussés vers une agriculture productiviste dès la fin des quotas laitiers en 2015, dans l’espoir d’éponger leurs dettes. Mais c’était loin d’être une bonne idée. En témoigne, dans le documentaire, la frénésie hyperproductive du secteur laitier en Nouvelle-Zélande, pays où la dette des éleveurs se chiffre en millions d’euros. Loin des reportages cousus de fil blanc sur la énième manifestation d’agriculteurs mécontents, « Cash Investigation » s’attache à comprendre pourquoi, dans un secteur où tout va bien pour les industriels, les agriculteurs survivent. Si la réputation de Lactalis n’est plus à faire, la partie sur Sodiaal, elle, est plus surprenante.

Produits laitiers : où va l’argent du beurre ?, de Jean-Baptiste Renaud (Fr., 2017, 140 min).